LE NUCLEOTIDE ANTISENS DU FACTEUR XI, UN NOUVEL ANTICOAGULANT EN PREVENTION DE LA MALADIE THROMBO-EMBOLIQUE VEINEUSE.

Titre original : 
Factor XI antisense oligonucleotide for prevention of venous thrombosis.
Titre en français : 
LE NUCLEOTIDE ANTISENS DU FACTEUR XI, UN NOUVEL ANTICOAGULANT EN PREVENTION DE LA MALADIE THROMBO-EMBOLIQUE VEINEUSE.
Auteurs : 
Büller HR, Bethune C, Bhanot S, Gailani D, Monia BP, Raskob GE, Segers A, Verhamme P, Weitz JI; FXI-ASO TKA Investigators.
Revue : 
New England Journal of Medicine. 2015 Jan 15;372(3):232-40.

Traductions & commentaires : 
Pierre-Emmanuel MOrange



Le facteur XI est un composé de la voie intrinsèque de la coagulation. L’ensemble des données obtenues ces dernières années chez l’animal et chez l’homme suggèrent que le FXI est une cible idéale pour le développement de nouveaux traitements anticoagulants (cf article associé dans la rubrique Médecin Vasculaire).

Dans ce papier, Buller et coll ont conduit une étude de phase 2 impliquant 300 patients pour évaluer l’efficacité et l’innocuité d’un oligonucléotide antisens du FXI dans la prévention de la thrombose veineuse après prothèse totale de genou (PTG).

Deux doses d’oligonucléotide antisens (200 et 300 mg) ont été comparées à 40 mg/j d’enoxaparine et une veinographie bilatérale a été systématiquement effectuée 8 à 12 jours après la chirurgie. Le traitement par l’antisens a été amorcé 36 jours avant la chirurgie par 3 doses de 200 ou 300 mg administrées en sous cutané (SC) durant la première semaine. Le schéma était ensuite d’une dose hebdomadaire. Enfin une dose a été administrée 6 heures après l’intervention, et une dernière dose 3 jours après.

L’incidence de la MTEV ne différait pas significativement entre les patients recevant l’enoxaparine et ceux recevant la dose de 200 mg d’antisens (30% et 27% respectivement), cette dernière réduisant les taux de FXI de 68% par rapport au taux basal. Une thrombose veineuse n’a été détectée par veinographie systématique que chez 4% des patients recevant la dose de 300mg (cette dose se montrant ainsi significativement supérieure à l’enoxaparine), tout en réduisant les taux de FXI de 83% en moyenne. L’incidence des saignements majeurs  n’était pas significativement différente dans les 3 bras (3% dans les groupes des deux doses d’ARN antisens et 8% dans le groupe enoxaparine).

Cette étude de recherche de dose, passionnante et élégante sur le plan thérapeutique, confirme que le FXI est une cible de choix pour le développement de nouveaux anticoagulants.

Cependant, l’hypothèse de départ selon laquelle la réduction du taux de FXI permettrait de réduire le risque de MTEV sans augmenter celui de saignement reste à confirmer. En effet, plusieurs éléments, soulignés par Robert Flaumenhaft dans l’éditorial accompagnant l’article (2), restent encore à éclaircir:

-          Tout d’abord, les investigateurs ont utilisé comme critère de jugement principal la veinographie bilatérale. Or, si on ne retient que les épisodes cliniquement symptomatiques, leur taux était très faible et identique dans les 3 bras de l’étude.

-          Ensuite, bien que l’incidence de saignement soit supérieure dans le groupe enoxaparine, cette différence n’était pas significative. Et l’incidence des saignements cliniquement significatifs observée avec les doses de 200 ou 300 mg d’antisens était dans la fourchette (2 à 5%) observée précédemment après 40 mg d’enoxaparine dans le cadre de la PTG.

Une étude plus large s’avère donc nécessaire avant de conclure à l’intérêt de la réduction des taux de FXI dans le traitement antithrombotique.

Par ailleurs, ce traitement présente plusieurs inconvénients:

-          La série d’injection d’antisens a été débutée 36 jours avant la chirurgie et a été associée à une incidence élevée d’effets secondaires au site d’injection (inflammation et irritation au site de ponction). Ces phénomènes avaient déjà été observés chez les sujets sains en phase 1 et n’ont pas nécessité d’interruption du traitement.

-          De plus, 70 jours après l’initiation du traitement le taux de FXI restait diminué, en moyenne de 60%, sans preuve de retour à la normale.

Les questions de la tolérance et de la réversibilité du traitement sont importantes.  Cette dernière pose le problème de la récupération d’une hémostase normale en cas d’accident hémorragique post-opératoire.

En conclusion, cette étude est une preuve de principe convaincante pour des études futures utilisant l’antisens. Elle devrait également stimuler le développement d’autres molécules plus simples d’utilisation (peptides de synthèse ou anticorps monoclonaux) ciblant spécifiquement le facteur XI (voir article associé).

*Flaumenhaft R. Making (anti)sense of factor XI in thrombosis. N Engl J Med 2015; 372:277-8.