Le diagnostic de sclérodermie « précoce » pose problème. La définition ACR des sclérodermies systémiques a changé en 2013* mais n’intègre toujours pas ces patients particuliers qui se présentent avec un phénomène de Raynaud (PR) sans la moindre atteinte cutanée et avec des anticorps anti-noyau (ACAN) spécifiques ou un paysage capillaroscopique de type sclérodermique.
Les auteurs ont ici tenté de déterminer les différences entre les patients avec PR, ACAN+ et capillaroscopie de type sclérodermique (groupe I), PR avec ACAN+ et capillaroscopie non de type sclérodermique (groupe II), PR et ACAN- mais seulement capillaroscopie de type sclérodermique (groupe III).
Ils ont ensuite revu les patients tous les 6 mois et réévalué le diagnostic de sclérodermie systémique (SSc) selon les critères ACR. La durée moyenne de suivi a été de 36 mois.
Ils ont ainsi inclus 21 patients dans le groupe I, 15 dans le groupe II et 24 dans le groupe III.
Durant le suivi, le diagnostic de SSc selon l’ACR a été avéré chez 52% des patients du groupe I, 66% du groupe II et 0 du groupe III. L’analyse par modèle de Cox a montré cependant que les ACAN seuls ne prédisent pas le diagnostic de SSc mais que c’est bien l’association ACAN + et capillaroscopie de type sclérodermique qui le fait (HR 3,13, 95% CI [1.32-7.41].
On pourrait imaginer que cette étude diminue l’intérêt de la capillaroscopie dans le diagnostic précoce des sclérodermies mais ce n’est pas la conclusion des auteurs qui considèrent que les ACAN et la capillaroscopie définissent deux processus évolutifs différents.
Les résultats de ce travail doivent être pondérés par la prise en compte d’un manque de puissance évident (une vingtaine de patients par groupe), et une durée de suivi relativement courte pour des sclérodermies précoces. De plus, cette durée de suivi est différente entre les groupes : plus de 5 ans de suivi pour 24% des patients du groupe I, 53% du groupe II et 7% du groupe III…., ce qui en soi pourrait déjà expliquer une partie de l’effet observé. Reste le problème de la capillaroscopie, ici de type large champ et revue par un seul investigateur entrainé, ce qui a priori a dû réduire la variabilité des résultats.
Finalement cette étude pose une vraie question, celle de la différence évolutive possible entre sclérodermies précoces selon que le diagnostic est posé par un PR et une capillaroscopie positive ou des ACAN mais le manque de puissance et la différence de durée de suivi entre les groupes laissent penser que la réponse n’est pas clairement apportée.
*Critères ACR 2013 de SSc (van den Hoogen F et al, Ann Rheum Dis, 2013)
Le diagnostic de SSc est retenu si le nombre total de points est supérieur à 9.
Critère |
Sous-critère(s) |
Valeur |
Epaississement cutané des doigts des deux mains étendu en amont des métacarpo-phalangiennes (critère suffisant) |
|
9 |
Epaississement cutané des doigts (prendre en compte la plus haute valeur) |
Doigts boudinés Sclérodactylie digitale (en aval des MCP et en amont des IPP) |
2 4 |
Lésions pulpaires |
Ulcère digital pulpaire Cicatrices pulpaires |
2 3 |
Télangiectasies |
|
2 |
Anomalies capillaroscopiques |
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2 |
Atteinte pulmonaire (score maximal = 2) |
HTAP Pneumopathie interstitielle diffuse |
2 2 |
Phénomène de Raynaud |
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3 |
Auto-anticorps spécifiques de la SSc (score maximal = 3) |
Anticentromères Anti- topoisomérase I Anti-RNA polymérase III |
3 |