VALEUR PREDICTIVE DES TAUX DE FACTEUR VIII POUR LA RECIDIVE DE LA THROMBOSE VEINEUSE : RESULTATS DE L’ETUDE MEGA
Prédire la récidive de thrombose veineuse (TV) reste un challenge majeur en pratique clinique. L’incidence cumulative de récidive de TV à 5 ans est de 15 à 25%. Cependant, malgré cette incidence élevée, la prévention secondaire de la récidive par prolongation du traitement anticoagulant doit être restreinte aux sujets à risque élevé du fait du risque non négligeable d’hémorragie majeure sous anticoagulant (1-2% par an pour les antivitamines K). Les facteurs de risque majeurs déterminant le risque de récidive sont la présence d’un facteur de risque transitoire et la présence d’un cancer actif lors du premier évènement. Environ 50% des patients avec TV présentent l’un ou l’autre de ces facteurs. Pour les 50% restants, prédire la récidive reste un challenge et l’identification de marqueurs prédisant celle-ci reste cruciale. Jusqu’à présent le seul marqueur d’intérêt biologique pour estimer le risque de récidive est le taux de D-dimères. Celui-ci, marqueur indirect de génération de thrombine et de fibrinolyse, est présent dans plusieurs scores clinico-biologiques de récidive tels que HERDOO, DASH et Vienna.
Les taux de facteur VIII (FVIII) ont été constamment associés au premier évènement de TV cependant leur association au risque de récidive reste débattue.
L’objectif de la présente étude était d’étudier la valeur prédictive des taux de FVIII sur la récidive de TV. Des patients âgés de 18-70 ans avec un premier épisode de TV ont été suivis après l’arrêt du traitement anticoagulant entre 1999 et 2010 (étude de suivi de la cohorte hollandaise MEGA). Les taux de FVIII ont été mesurés au moins 3 mois après l’arrêt du traitement anticoagulant.
Sur les 2242 patients suivis pendant 6,9 ans en moyenne, 343 ont développé une récidive de TV (incidence 2,7/100 patient-année (IC95, 2,5-3,1)). Les taux de récidive augmentaient progressivement en fonction des taux de FVIII de 1,4 (95CI:1,0-1,9) à 5,1 (95CI:3,8-6,8) pour 100 patients/année, pour des taux <100 UI/dL à > 200 UI/dL respectivement. Les patients présentant les taux les plus élevés de FVIII (> 200 IU/dL) présentaient un taux de récidive 3 fois supérieurs à ceux présentant des taux < 100UI/dL. Dans les sous-groupes de patients présumés à faible risque de récidive des taux élevés de FVIII étaient aussi prédicteurs du risque de récidive. L’ajout du FVIII à un modèle de prédiction existant (DASH-score) améliorait la valeur prédictive, et après remplacement des D-dimères par le FVIII, le modèle performait aussi bien voir mieux.
Cette étude est intéressante car elle montre que des biomarqueurs autres que les D-dimères sont susceptibles de prédire le risque de récidive de TV. Cependant les auteurs soulignent que l’avantage du FVIII par rapport aux D-dimères est que le taux n’est pas affecté par les anticoagulants. Ceci est vrai pour les antivitamines K mais faux pour les anticoagulants oraux directs qui peuvent affecter les taux de FVIII circulants. De plus, bien que cette étude soit positive, il reste à effectuer une étude de management durant laquelle la durée du traitement anticoagulant sera fonction du taux de FVIII. Cette étude devra démontrer que la prise en compte du taux de FVIII dans la stratégie de poursuite du traitement anticoagulant améliore la prise en charge actuelle avec un ratio coût-efficacité correct.