Dépistage de l’AAA et choix du type de chirurgie

Titre original : 
Outcome of the Swedish Nationwide Abdominal Aortic Aneurysm Screening Program (Editorial : Diverse Requirements for Efficient Population Screening for Abdominal Aortic Aneurysm: From Program Management to Maintaining Skills in Open Repair).
Titre en français : 
Dépistage de l’AAA et choix du type de chirurgie
Auteurs : 
Wanhainen A, Hultgren R, Linné A, Holst J, Gottsäter A, Langenskiöld M, Smidfelt K, Björck M, Svensjö S; Swedish Aneurysm Screening Study Group (SASS) (Editorial : Powell JT)
Revue : 
Circulation. 2016 Oct 18;134(16):1141-1148 (Editorial: Circulation. 2016 Oct 18;134(16):1149-1151)

Traductions & commentaires : 
Gabrielle SARLON-BARTOLI



RESULT ATS DE LA CAMPAGNE DE DEPIST AGE DE L’ANEVRISME AORTIQUE ABDOMINAL EN SUEDE
(Wanhainen et al.)


Contexte : un programme général de dépistage de l’AAA, ciblant les hommes de 65 ans, a progressivement été introduit en Suède depuis 2006 et atteint une couverture nationale en 2015. L’objectif de cette étude était de décrire les résultats de ce programme.


Méthodes : les données sur le nombre d’hommes sollicités et examinés, le taux d’AAA dépistés, les AAA opérés et les résultats chirurgicaux ont été colligés, issus des 21 comtés suédois de 2006 à 2014. Le dépistage était effectué en échographie sur une coupe longitudinale en mesurant le diamètre sous rénal antéropostérieur de bord externe à bord externe. Un AAA était défini comme un diamètre aortique de plus de 30 mm. Les données sur la mortalité ont été extraites du registre des décès suédois. Une analyse de régression linéaire a été utilisée pour estimer la mortalité liée à l’AAA chez tous les hommes ≥ 65 ans pendant cette période de temps. Les effets à long terme ont été projetés en utilisant un Modèle de Markov.

Résultats : sur 302 957 hommes âgés de 65 ans sollicités, 84% ont été examinés. La prévalence des AAA détectés par le dépistage était de 1,5%. Après une moyenne de 4,5 années, 29% des patients atteints d’AAA ont été opérés, avec un taux de mortalité de 0,9% : 1,3% après chirurgie ouverte (OUVERT ) versus 0,3% après réparationendovasculaire (ENDO ) (p < 0,001). L’introduction du dépistage était associée à une réduction significative de la mortalité par AAA (moyenne : 4,0% par an de dépistage, p = 0,02). Le nombre nécessaire de patients à dépister et à opérer pour éviter 1 décès prématuré était respectivement de 667 et 1,5. Avec une population totale  de 9,5 millions d’habitants, le programme de dépistage AAA permet de prévenir annuellement 90 décès par AAA et gagner 577 années de vie ajustées à la qualité.

Conclusions : le dépistage des AAA chez les hommes de 65 ans est très rentable dans un contexte de santé préventive. Ces résultats confirment ceux des essais contrôlés dans une large population et l’importance pour la prise de décision future des soins de santé.

POPULATION CIBLE DE DE PISTAGE DE L’ANEVRISME DE L’AORTE ABDOMINALE
(Edito de Powel et al.)

Le but du dépistage en santé est d’identifier les personnes qui présentent un risque de maladie ou un problème de santé spécifique pour pouvoir offrir un traitement précoce ou fournir des informations pour aider à la prise de décision. Les AAA sont le plus souvent silencieux ou asymptomatiques jusqu’à la complication redoutée qu’est la rupture. L’objectif du dépistage de l’AAA est de proposer une intervention appropriée et de cibler les patients devant bénéficier d’une prévention secondaire cardiovasculaire. Aux États-Unis, le dépistage des AAA est recommandé pour les hommes de 65 à 75 ans. En Suède et au Royaume-Uni, des programmes nationaux de dépistage pour les hommes de plus de 65 ans sont en place. L’article de Wanhainen et coll. rapporte les résultats du dépistage national en Suède. En Suède et en Angleterre, la chirurgie des anévrismes est recommandée lorsque le diamètre de l’anévrisme atteint 5,5 cm et les petits anévrismes sont maintenus sous surveillance échographique régulière jusqu’à ce que ce seuil soit atteint. En Suède, 84% des hommes ont participé au dépistage de l’anévrisme, certains hommes ayant dû payer une petite taxe pour ce dépistage. En Angleterre, l’adhésion était légèrement inférieure (78%), avec des taux plus faibles (62%) dans les quartiers défavorisés. En Suède, 650 AAA ont été détectés entre 2006 et 2014, soit une prévalence de 1,5%. En Angleterre, 9388 hommes avaient un AAA détecté entre 2009 et 2014, soit une prévalence de 1,34%.

L’étude suédoise met l’accent sur les changements dans la mortalité liée aux anévrismes et sur la rentabilité. Ils  pu démontrer qu’il y avait une réduction annuelle moyenne de 4% de la mortalité liée à l’anévrisme pour chaque année de durée de dépistage. Environ 18% des hommes présentant des anévrismes détectés ont bénéficié d’une chirurgie en cours d’étude avec de  faibles taux de mortalité opératoire à 30 jours, seulement 1,3% pour les 394 patients traités en OUVERT et 0,3% pour les 289 patients traités en ENDO, i.e. des taux de mortalité semblables à ceux rapportés dans la littérature suédoise. L’étude anglaise rapporte une mortalité à 30 jours semblable chez les 1000 premiers hommes opérés : 448 hommes ont eu une réparation ouverte avec une mortalité à 30 jours de 0,9% et 402 avaient un EVAR avec une mortalité à 30 jours de 0,7%, taux bien inférieurs à ceux de la population anglaise. Le taux de faux-positifs du scanner dans le programme anglais été de 0,32%. Il est également rapporté qu’à l’issue du dépistage, 88 hommes (0,88%) étaient inaptes à une chirurgie d’anévrisme, 10 ont refusé le traitement de leur AAA et 2 sont morts de rupture d’AAA (1 ayant refusé la réparation et 1 réparation différée), identifiant ainsi les domaines d’amélioration du programme de dépistage.
Il est particulièrement intéressant de noter que plus de la moitié des chirurgies pour les anévrismes détectés étaient des réparations ouvertes, avec une mortalité opératoire très faible (beaucoup plus faible que dans les essais de dépistage initiaux). Dans aucune des études, l’âge au moment de la chirurgie de l’anévrisme n’a été analysé, mais il était de 67 ans environ en Angleterre, à comparer à l’âge moyen des hommes ayant subi une réparation AAA en dehors du dépistage (72 ans). L’utilisation de la chirurgie ouverte chez les patients plus jeunes et en bonne santé est une controverse en chirurgie vasculaire, si bien qu’actuellement plus des trois quarts des réparations sont faites avec une technique ENDO. Le corollaire est que les compétences en chirurgie sont en déclin. Les rapports récents sur le suivi à long terme d’EVAR 1 et DREAM pourraient encourager à la réparation ouverte dans les AAA. La durabilité de la chirurgie ouverte reste supérieure à la durabilité de la technique ENDO .
De plus, les patients avec technique ENDO subissent une surveillance à long terme, coûteuse et non encore prise en compte dans les estimations coût-efficacité du dépistage AAA. Enfin, dans plus de 5% des réparations, la technique ENDO ne parvient pas à prévenir la rupture de l’anévrisme, qui est l’objet même du dépistage AAA. Ces résultats, obtenus chez des sujets jeunes et en bonne santé, pourraient faire sous-estimer la mortalité des patients à haut risque. Enfin, la réduction de la prévalence s’explique peutêtre par la réduction du tabagisme ce qui encourage à poursuivre les campagnes anti-tabac.

COMMENTAIRES

Cette étude suédoise nous apprend qu’un dépistage systématique de l’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) des patients de plus de 65 ans rencontre une très bonne adhésion (plus de 80%) pour une prévalence de moins de 2% ; s’accompagne d’une mortalité post-opératoire faible quelle que soit la technique choisie, de l’ordre de 1%, mais significativement plus faible pour la technique endovasculaire. Ces résultats viennent confirmer une première étude Anglaise. Ces résultats posent la question de l’interêt d’un tel dépistage en France au delà de 65 ans. La chirurgie ouverte pourrait être privilégiée chez les sujets jeunes en bonne santé, cibles du dépistage. Les chirurgiens entraînés à ces deux techniques, chirurgie ouverte et réparation endovasculaire, choisiront le meilleur des abords en fonction de l’anatomie de l’anévrisme, du risque chirurgical et du souhait du patient.