EFFICACITE DES ANTI-PSCK9 (EVOLOCUMAB) EN PREVENTION SECONDAIRE DES EVENEMENTS CARDIOVASCULAIRES

Titre original : 
Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease.
Titre en français : 
EFFICACITE DES ANTI-PSCK9 (EVOLOCUMAB) EN PREVENTION SECONDAIRE DES EVENEMENTS CARDIOVASCULAIRES
Auteurs : 
Sabatine MS, Giugliano RP, Keech AC, Honarpour N, Wiviott SD, Murphy SA, Kuder JF, Wang H, Liu T, Wasserman SM, Sever PS, Pedersen TR; FOURIER Steering Committee and Investigators..

Traductions & commentaires : 
Iléana DESORMAIS



Le LDL cholestérol (low-density lipoprotein) ou LDL-C représente un des facteurs de risque cardiovasculaire (CV) modifiables bien connus.

Après les statines, une nouvelle classe thérapeutique hypolipémiante a fait preuve d’une très forte efficacité dans la diminution du taux de LDL-C (1). : les anticorps monoclonaux inhibiteurs de la proprotein convertase subtilisin–kexin type 9 (les anti-PCSK9).

Parmi ces dernier l’evolocumab (Repatha) est une anti-PCSK9 avec une puissance de réduction du taux de LDL-C sérique d’environ 60% (2-6).

Alors que l’efficacité biologique des anti-PCSK9 sur la diminution du taux de LDL-C sérique est aujourd’hui soutenue par des preuves scientifiques solides, leur efficacité sur la réduction du risque CV (survenue des événements CV) n’était pas encore démontrée.

 L’objectif principal de l’étude FOURIER (Further Cardiovascular Outcomes Research with PCSK9 Inhibition in Subjects with Elevated Risk) était de démontrer l’efficacité des anti-PCSK9 (l’evolocumab) en termes de réduction des événements CV.

 

MATERIEL ET METHODE

Etude clinique multicentrique (1242 centres), multinationale (49 pays), randomisée, en double aveugle, contre placebo.

Sponsor : Amgen, responsable de la collecte des données.

Analyse indépendante des données par le groupe TIMI (Thrombolysis in Myocardial Infarction Study Group)

 Analyse statistique : analyse en intention de traiter ; nombre de sujets nécessaires calculé sur l’hypothèse d’une réduction du risque relatif de 15% du critère de jugement secondaire. 

Population : sujets considérés à très haut risque CV, âgés de 40 à 85 ans avec une pathologie CV avérée : infarctus du myocarde (IDM), accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique, artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) symptomatique et présentant au moins un facteur de risque additionnel. Le taux initial du LDL-c devait être ≥ 70 mg/dl (1,8 mmmol/l) ou le taux du non-HDL cholestérol (High density lipoprotein) ≥100 mg/dl (2,6 mmol/l) sous traitement hypolipémiant optimal (statine d’intensité forte ou au moins 20 mg atorvastatine ± ézétimibe).

La classification du traitement par statines en traitement d’intensité « forte » à « faible » est basée sur la classification ACC/AHA 2013 (Tableau 1).

 

Tableau 1. Classification de l’intensité du traitement par statines en fonction de la molécule utilisée et de la dose quotidienne administrée

 

INTENSITE

STATINE

HAUTE

MODEREE

FAIBLE

Atorvastatine Rosuvastatine Simvastatine Pravastatine Lovastatine Fluvastatine Pitavastatine

≥40 mg

≥20 mg

80 mg

 

10-40 mg

5-20 mg

20-80 mg

≥40 mg

≥40 mg

80 mg
≥2 mg

 

<10 mg

<5 mg

<20 mg

<40 mg

<40 mg

<80 mg

<2 mg

 

 

Randomisation : La randomisation a été effectuée avec un rapport 1/1 : evolocumab en injections sous cutanées (140 mg toutes les deux semaines ou une injection de 420 mg par mois) en association avec le traitement hypolipémiant habituel ou placebo en injection sous cutanée (fréquence des injections respectant le schéma prévu pour l’evolocumab) en association avec le traitement hypolipémiant habituel.

Critère de jugement principal : l’objectif principal de l’étude FOURIER était d’évaluer l’efficacité clinique de l’evolocumab en termes de réduction du risque des événements CV majeurs : décès CV/ IDM/ AVC ischémique/ hospitalisation pour angor instable/ revascularisation coronarienne (critère composite).

Critère de jugement secondaire : en deuxième lieu, l’étude FOURIER a étudié les effets en termes de décès CV/ IDM /AVC ischémique (critère composite).

La survenue de ces événements CV ainsi que les effets secondaires du traitement ont été répertoriés par un groupe neutre, en aveugle : le groupe TIMI.

 

RESULTATS

De Février 2013 à Juin 2015, 27 564 sujets ont été randomisés : 13 784 dans le groupe evolocumab et 13 780 dans le groupe placebo. Le suivi médian a été de 26 mois.

Les deux groupes présentaient des caractéristiques superposables autant en termes d’âge, sexe et d’origine ethnique qu’en termes d’antécédents CV, de FDRCV, de traitements suivis et de taux LDL-C initial.

L’âge moyen était de 63 ans, 24,6% étaient de sexe féminin, 81% présentaient des ATCD d’IDM, 19,4% d’AVC ischémique et 13,2% d’AOMI symptomatique.

69% des sujets suivaient un traitement par statine d’intensité forte, 30,4% par statine intensité modérée et 5,2% un traitement associant statine avec ézétimibe.

92,3% suivaient un traitement antiplaquettaire, 75,6% un traitement bétabloquant et 78,2% un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un bloquant du récepteur de l’angiotensine (ARA II) ou un anti-aldostérone (monothérapie ou association).

Le taux d’arrêt prématuré du traitement de l’étude a été faible pendant les deux ans de suivi (12,5% des sujets). Seulement 0,7% des retraits du consentement ont été enregistrés. La répartition des retraits et arrêts était homogène dans les deux groupes.

Le taux moyen de LDL-C à l’inclusion était de 0,92 g/l. Après 48 semaines de suivi, la réduction moyenne du LDL-C dans le groupe evolocumab était de 59% comparée au groupe placebo (CI95% : 58-60, P<0,001).

Cette réduction du taux LDL-C a été pérenne dans le temps et a atteint des niveaux très bas (0,22 g/l) sans effets secondaires retenus.

A 48 semaines, dans le groupe evolocumab, chez 87% des sujets le niveau LDL-C était < 0,7 g/l ; 67% LDL-C <0,4 g/l et 42% LDL-C<0,25 g/l.

Parallèlement à la réduction du taux de LDL-C, l’evolocumab a significativement réduit le taux de non-HDL-C de 52% et celui de l’apolipoprotéine B de 49%.

Concernant l’objectif principal de l’étude, la diminution du risque CV (décès CV, IDM, AVC, hospitalisation pour angine instable ou revascularisation coronarienne), le traitement par l’evolocumab a fait la preuve de son efficacité (RR : 0,85 ; IC95% : 0,79-0,92 ; P<0,001) (Figure 1).

Ce même effet bénéfique a été retrouvé pour l’objectif secondaire (IDM, AVC, décès CV) (RR : 0.80; IC95% :0,73-0,88 ; P<0,001) (Figure 2).

De plus, l’effet de réduction du risque CV augmentait dans le temps : 12% (IC95% : 3-20) lors de la première année de traitement et 19% (IC95% : 11-27) au-delà d’un an de suivi. Ce même effet a été retrouvé pour l’objectif secondaire, avec une réduction du risque de 16% (IC95% CI : 4-26) lors de la première année à 25% (IC95% : 15-34) au-delà (Figures 1 et 2).

Cet effet de l’evolocumab sur les critères principal et secondaire est maintenu dans les différents sous-groupes : âge, sexe, type d’atteinte vasculaire ou taux de LDL-C à l’inclusion.

L’effet de l’evolocumab a été comparable pour les deux dosages (140 mg/2semaines ou 420 mg/mois) indifféremment de la posologie de statine ou de l’association ou non de l’ézétimibe dans le traitement.

Aucun effet secondaire majeur ou effet secondaire imputable à la molécule étudiée et imposant l’arrêt du traitement n’a été relevé.

Les taux d’événements musculaires, de cataracte, de diabète, d’événements neurocognitifs ou d’AVC hémorragiques enregistrés étaient comparables dans les deux groupes (evolocumab ou placebo). Seulement les réactions au site d’injection ont été plus fréquentes dans le groupe evolocumab (2,1% vs 1,6% dans le groupe placebo) sans conséquence majeure.

 

DISCUSSION ET CONCLUSION

L’étude FOURIER confirme les données des études précédentes soulignant l’efficacité de l’evolocumab, en association avec une statine, dans la réduction du taux de LDL-C (environ 60%). Cet effet est stable dans le temps.

L’evolocumab a permis une réduction du risque relatif de 15% de l’objectif principal et de 20% de l’objectif secondaire (décès CV, IDM, AVC), sans effets secondaires majeurs imputables à la molécule et imposant l’arrêt du traitement (seuls effets secondaires spécifiques se limitant aux rares réactions au site d’injection). Le bénéfice en termes de réduction des événements semble être présent chez tous les sujets à très haut risque CV, indépendamment du territoire initialement atteint (AOMI, IDM ou AVC), de l’âge ou du sexe.

Cette efficacité clinique en termes de réduction des événements CV devient de plus en plus importante avec le temps, suggérant la nécessité du traitement au long cours.

La durée de suivi de l’étude reste limitée (environ 2 ans) alors que le temps de suivi dans les études visant les traitements hypolipémiants est en moyenne de 5 ans. Malgré la justification de la durée plus brève de cette étude (initialement prévue pour 4 ans) par la survenue d’un nombre important d’événements dans le groupe placebo permettant une bonne puissance statistique des analyses, le bénéfice net du traitement au long cours reste à prouver.

En analyse secondaire, l’étude suggère l’augmentation du bénéfice en termes de réduction du risque CV avec la réduction majeure du LDL-C jusqu’à 0,22 g/l. Cette hypothèse, soutenue par les effets décrits dans l’étude GLAGOV (7) sur la diminution de la plaque athéromateuse coronarienne, reste à être prouvée dans des études cliniques spécifiques.

L’étude FOURIER apporte les données cliniques manquantes en démontrant l’efficacité significative de réduction des événements CV, à deux ans, de la diminution du LDL-C sérique par l’evolocumab chez tous les sujets à très haut risque CV.

Ces résultats suggèrent l’intérêt du traitement par evolocumab au long cours avec comme cible thérapeutique une baisse du LDL-C en deçà des seuils jusqu’à présent utilisés.

 

 

1. Giugliano RP, Sabatine MS. Are PCSK9 inhibitors the next breakthrough in the cardiovascular field? J Am Coll Car- diol 2015;65:2638-51.

2. Blom DJ, Hala T, Bolognese M, et al. A 52-week placebo-controlled trial of evo-

locumab in hyperlipidemia. N Engl J Med 2014;370:1809-19.
3. Robinson JG, Nedergaard BS, Rogers WJ, et al. Effect of evolocumab or ezeti- mibe added to moderate- or high-intensi- ty statin therapy on LDL-C lowering in  patients with hypercholesterolemia: the LAPLACE-2 randomized clinical trial. JAMA 2014;311:1870-82.
4. Koren MJ, Lundqvist P, Bolognese M, et al. Anti-PCSK9 monotherapy for hyper- cholesterolemia: the MENDEL-2 random-

ized, controlled phase III clinical trial of evolocumab. J Am Coll Cardiol 2014;63: 2531-40.
5. Stroes E, Colquhoun D, Sullivan D, et al. Anti-PCSK9 antibody effectively lowers cholesterol in patients with statin intoler- ance: the GAUSS-2 randomized, placebo- controlled phase 3 clinical trial of evo- locumab. J Am Coll Cardiol 2014;63: 2541-8.

6. Raal FJ, Stein EA, Dufour R, et al. PCSK9 inhibition with evolocumab (AMG 145) in heterozygous familial hypercho- lesterolaemia (RUTHERFORD-2): a ran- domised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2015;385:331-40.

7. Nicholls SJ, Puri R, Anderson T, et al. Effect of evolocumab on progression of coronary disease in statin-treated pa- tients: the GLAGOV randomized clinical trial. JAMA 2016;316:2373-84.