Intérêt des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 chez les patients présentant un infarctus du myocarde

Titre original : 
Association between treatment for erectile dysfunction and death or cardiovascular outcomes after myocardial infarction.
Titre en français : 
Intérêt des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 chez les patients présentant un infarctus du myocarde
Auteurs : 
Andersson DP, Trolle Lagerros Y, Grotta A, Bellocco R, Lehtihet M, Holzmann MJ
Revue : 
Heart. 2017 Aug;103(16):1264-1270

Traductions & commentaires : 
Christophe BONNIN



L’association entre dysfonction érectile (DE) et morbi-mortalité cardiovasculaire est connue, à la fois chez les patients sans et avec antécédent cardiovasculaire. Dans cette étude suédoise, les auteurs ont investigué le rôle de la prise d’IPDE5 sur la morbi-mortalité cardiovasculaire des patients ayant présenté un 1er infarctus du myocarde (IDM).

Entre le 1er Janvier 2007 et le 31 Décembre 2013, ont été inclus tous les patients âgés de 18 à 80 ans ayant présenté un 1er IDM et ayant pris un IDPE5 (sildénafil, vardénafil, tadalafil) ou de l’alprostadil (PgE1).

Les évènements cardiaques majeurs (ECm) ont été définis comme une hospitalisation pour IDM ou insuffisance cardiaque (IC) ou revascularisation. Les décès cardiovasculaires sont ceux définis par l’European Society of Cardiology.

La période de suivi se termine avec la survenue d’un ECm, ou le décès du patient (mortalité toutes causes, cardiovasculaire ou non cardiovasculaire), ou une intervention chirurgicale sur la prostate ou le rectum ou encore le 31 Décembre 2013.

 

RESULTATS

La durée moyenne du traitement a été de 3.3 ans. Les patients traités pour DE (n = 3068 sur 43145) étaient plus jeunes (61 ans vs 64 ans), avaient moins d’IC, de diabète, de BPCO, d’AVC, d’AOMI et de cancer actif. 92% étaient sous IPDE5.

Au terme du suivi, chez les patients traités pour DE, il y avait moins de décès (HR = 0.67, IC 0.55-0.81), d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR = 0.60, IC 0.44-0.82), de décès cardiovasculaire (HR = 0.64, IC 0.47-0.86), de décès non cardiovasculaire (HR = 0.79, IC 0.68-0.92) et d’ECm (HR = 0.79, IC 0.68-0.92).

La différence n’était pas significative pour les IDM (HR =0.95, IC 0.77-1.16) et les revascularisations (HR = 0.95, IC 0.80-1.14).

C’est dans la tranche d’âge 70-80 ans que l’association entre traitement de la DE et mortalité était la plus forte (HR = 0.41, IC 0.28-0.59) ; cette association n’était pas significative pour les hommes de moins de 69 ans, même si le risque de décès était moindre pour les hommes entre 60 et 69 ans.

Le risque de décès chez les hommes utilisant les IPDE5 était inférieur à celui des patients n’utilisant aucun traitement (HR = 0.62, IC 0.50-0.77). L’incidence des décès était plus élevée chez les patients utilisant l’alprostadil (3.19 pour 100-patents-année, IC 2.12-4.79) que chez les patients sous IDPE5 (1.25 pour 100-patients-année, IC 1.02-1.54). Il existait une association dose-dépendante entre l’utilisation d’IPDE5 et la mortalité toutes causes.

 

DISCUSSION ET COMMENTAIRES

 

Dans la discussion, les auteurs comparent en les opposant la mortalité de deux études randomisées, ADVANCE et ONTARGET/TRANSCEND.

Dans l’étude ADVANCE (patients à haut risque CV, diabétiques), précisent-ils, la présence d’une DE à l’inclusion était associée à 5 ans à une augmentation des évènements cardiovasculaires, des évènements coronaires et des AVC mais pas de la mortalité totale (HR = 1,16, IC 0,99-1,35). Mais il faut souligner, ce que ne font pas Andersson et coll., que si les patients présentaient toujours une DE à 2 ans de suivi, la mortalité était alors significativement plus élevée (HR = 1,29, IC 1,00-1,66).

La mortalité totale des patients avec DE est également plus élevée (HR 1,84, IC 1.12-2.81) dans ONTARGET/TRANSCEND, dans lesquelles les patients avaient des ATCD cardiovasculaires, et au cours desquelles ils n’avaient pas vu leur fonction érectile significativement améliorée par le traitement antihypertenseur.

 

De même, chez les patients sans antécédent cardiovasculaire, les résultats des études sont décrits comme contradictoires, tenant compte du travail de Hotaling et coll. (1) qui ne montrait pas d’augmentation de la mortalité cardiovasculaire. D’autres études révèlent au contraire une mortalité CV ou une incidence d’ECV plus élevée chez les patients avec DE, notamment si celle-ci est sévère.  Les contradictions relevées par les auteurs sont expliquées par les caractéristiques des populations (âge, comorbidités, traitements, définition de la DE, type d’étude, durée du suivi).

 

L’impact des IPDE5 sur la morbi-mortalité cardiovasculaire a rarement été rapportée dans la littérature.  Une étude avait montré que chez des patients âgés de 35 à 74 ans consultant en médecine générale pour DE, le risque de survenue d’un évènement cardiovasculaire était augmenté de 70% par rapport aux patients sans DE, alors que l’introduction des IPDE5 en cours d’étude avait annulé ce sur-risque (2). Une autre étude a montré que chez des patients diabétiques avec coronaropathie asymptomatique, la présence d’une DE multipliait par 2 le risque d’événements cardiovasculaires, et que parmi les patients sous IPDE5, ce risque était au contraire réduit de 32%, sans atteindre toutefois le seuil de significativité (3).

 

L’association entre le caractère prédicteur cardiovasculaire de la DE et l’âge du patient est connue, plusieurs études ayant montré que la DE était un marqueur de risque surtout chez les sujets jeunes (avant 60 ans), et quasiment pas après 70 ans. Dans ce contexte, les auteurs font remarquer que les IPDE5 modifient le risque cardiovasculaire uniquement chez les sujets après 70 ans, sans avancer d’explication.

 

Cette étude montre que la prise d’IPDE5 en post-IDM réduit de façon significative la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. On peut probablement en rapprocher les effets déjà décrits de ces molécules sur la fonction cardiaque après un IDM : prévention du remodelage ventriculaire gauche, diminution de l’hypertrophie ventriculaire gauche, augmentation de la contractilité ventriculaire droite, diminution des résistances vasculaires systémiques et de la rigidité aortique.

 

La principale limite de l’étude est qu’elle concerne le traitement de la DE et non pas la DE, sans précision sur les conditions de son diagnostic. Certains facteurs confondants sont par ailleurs absents et peuvent en effet modifier la prévalence du diagnostic, comme le statut marital ou le niveau d’éducation.

 

Si cette étude ne permet pas de conclure à l’utilisation systématique d’un IPDE5 chez les patients avec DE après un premier IDM, elle apporte des arguments en faveur de la prescription sûre de ces molécules chez le patient qui ne présente pas de contre-indication, c’est-à-dire qui ne prend pas de dérivés nitrés et qui est apte à produire un effort d’intensité modérée.

 

 

  1. Hotaling JM, Walsh TJ, Macleod LC, et al. Erectile dysfunction is not independently associated with cardiovascular death: data from the vitamins and lifestyle (VITAL) study. J Sex Med 2012;9:2104–10.

 

  1. Frantzen J, Speel TG, Kiemeney LA, et al. Cardiovascular risk among men seeking help for erectile dysfunction. Ann Epidemiol 2006;16:85–90.

 

  1. Gazzaruso C, Solerte SB, Pujia A, et al. Erectile dysfunction as a predictor of cardiovascular events and death in diabetic patients with angiographically proven asymptomatic coronary artery disease: a potential protective role for statins and 5-phosphodiesterase inhibitors. J Am Coll Cardiol 2008;51:2040–4.