Thrombolyse pharmaco-mécanique dans les thromboses veineuses profondes.

Titre original : 
Pharmacomechanical Catheter-Directed Thrombolysis for Deep-Vein Thrombosis.
Titre en français : 
Thrombolyse pharmaco-mécanique dans les thromboses veineuses profondes.
Auteurs : 
Vedantham S, Goldhaber SZ, Julian JA, et al; ATTRACT Trial Investigators.
Revue : 
New England Journal of Medicine. 2017 Dec 7;377(23):2240-2252

Traductions & commentaires : 
Caroline MENEZ, A. MIHOUBI, M. RODIERE.



 

INTRODUCTION

Le syndrome post-thrombotique est une complication invalidante et fréquente après thrombose veineuse profonde (30 à 55% des patients). L’obstruction résiduelle étant l’une des composantes essentielles, la prise en charge interventionnelle précoce de la thrombose veineuse profonde s’est progressivement développée.  La seule étude jusque-là randomisée, CAVENT, a évalué la thrombolyse dirigée par cathéter (CDT), à savoir la mise en place de cathéters au sein des segments thrombosés, suivie de l’instillation progressive de fibrinolytiques durant plusieurs heures voire jours. Cette technique est maintenant remplacée par la thrombolyse pharmaco-mécanique (PCDT) en traitement « one shot ». Au cours d’une seule et même séance, le thrombus est fragmenté, puis le fibrinolytique est injecté au sein du thrombus fragmenté, l’ensemble du matériel obtenu étant rapidement aspiré.  Ainsi l’exposition aux fibrinolytiques est faible mais efficace, permettant d’extraire le maximum de charge thrombotique tout en limitant le risque hémorragique. Un stent est ensuite fréquemment déployé en présence d’une compression veineuse, par exemple un syndrome de Cockett. L’abord jugulaire permet de traiter l’ensemble du réseau veineux, la persistance de thrombus notamment à l’étage poplitéo-fémoral apparaissant comme un critère majeur de récidive. L’objectif est donc l’extraction de la totalité du matériel thrombotique, en une séance.  Les résultats de nombreuses séries publiées ces dernières années étaient tout à fait favorables à ce type de prise en charge, avec de bons résultats sur différents critères, à savoir la perméabilité, l’amélioration clinique et la faible morbidité.    

L’étude ATTRACT, publiée par Vedentham en 2017 dans The New England Journal of Medicine, était présentée comme la première étude randomisée évaluant cette technique. 

 

MATERIEL ET METHODE

ATTRACT est une étude nord-Américaine multicentrique (56 centres), ayant inclus entre 2009 et 2014, 692 patients avec thrombose veineuse profonde récente. Le groupe interventionnel, composé de 336 patients, a bénéficié d’un geste de désobstruction veineuse associé au traitement standard, à savoir une anticoagulation curative efficace combinée à une compression veineuse. Le groupe contrôle, composé de 355 patients, a bénéficié du seul traitement standard.

Le libre choix de la technique et du matériel était laissé aux opérateurs, et une place importante a été faite dans ce protocole à la fibrinolyse dirigée par cathéter, en traitement initial (et notamment pour libérer la veine poplitée souvent choisie comme veine d’abord), et/ou en complément de procédure en cas de résultat jugé insuffisant, chaque séquence de fibrinolyse pouvant durer jusqu’à 30 heures.

Le critère de jugement principal était l’apparition d’un syndrome post-thrombotique défini par un score de Villalta supérieur ou égal à 5 et/ou par la survenue d’un ulcère de jambe. Ce suivi était réalisé à 6, 12, 18 et 24 mois.

 

RESULTAT

A 24 mois, aucune supériorité de la prise en charge interventionnelle n’est mise en évidence, avec 47% de syndrome post-thrombotique dans ce groupe, contre 48% dans le groupe contrôle (p=0.56). Les complications hémorragiques dans les 10 premiers jours sont plus fréquentes dans le groupe interventionnel, avec la survenue de saignements non majeurs chez 15 patients versus 6, et de saignements majeurs chez 6 patients versus 1 (p=0.049).

A noter toutefois l’existence de quelques critères secondaires en faveur du groupe interventionnel, par exemple l’amélioration du syndrome post-thrombotique modéré à majeur, un score de Villalta moins important en valeur absolue, une amélioration du score Venous clinical severity score et du score de qualité de vie.


DISCUSSION

Les résultats de cette étude ne sont donc pas en faveur d’une prise en charge interventionnelle des thromboses veineuses profondes aigües des membres inférieurs en complément du traitement médical. Il existe néanmoins de nombreuses limites à cette étude. Tout d’abord, l’objectif était d’évaluer la thrombolyse pharmaco-mécanique. Or, sur les 336 patients du groupe interventionnel, 194 (58%) ont été traités initialement par fibrinolyse in situ pour une durée moyenne de 22 heures, et la mise en place de stents n’est décrite que pour 82 patients.

De surcroît, près de la moitié des patients ont été inclus alors qu’ils présentaient une thrombose sous crurale isolée, sans atteinte de l’étage iliaque. Quant au faible nombre de patients traités par centre (en moyenne 2 patients par an), il pose la question du niveau d’expérience des opérateurs.

Le choix d’un abord poplité présente de nombreux inconvénients : tout d’abord une agression directe du système veineux, ensuite l’impossible accès à un certain nombre d’axes par conséquent non traités, alors que la charge thrombotique résiduelle peut-être source de récidives et de séquelles.

Le choix d’évaluer le score de Villalta à l’inclusion en contexte thrombotique aigu est surprenant car ce score est validé uniquement en contexte chronique. Les résultats sont plus surprenants encore, supérieurs à 5 pour 82% des patients. Présentaient-ils déjà un syndrome post-thrombotique à l’inclusion sur séquelles thrombotiques anciennes, ce qui pourrait expliquer en partie l’absence d’amélioration après extraction seule du thrombus.

Quatre-vingt-six patients ont été perdus de vue dans le groupe contrôle, 62 dans le groupe interventionnel. Huit sont décédés dans les deux années de suivi dans le groupe contrôle, 7 dans le groupe interventionnel, et ce malgré un âge moyen plutôt bas de 51 ans.  A noter cependant dans les deux groupes la fréquence des facteurs de risque cardio-vasculaire et un BMI supérieur à 30 pour plus de la moitié des patients.

Enfin, les résultats sont décevants, y compris dans le groupe traitement médical, avec près de 50% de patients présentant un syndrome post-thrombotique, donc supérieur au seuil de 30% retenu dans ce protocole.

 

CONCLUSION

L’étude ATTRACT nous montre que le syndrome post-thrombotique est une complication particulièrement fréquente après thrombose veineuse profonde. Concernant la prise en charge interventionnelle, cette étude conforte le fait que la fibrinolyse dirigée par cathéter est une technique obsolète et que les thromboses sous crurales doivent être traitées médicalement.

Pour valider la prise en charge pharmaco-mécanique « one shot » des thromboses veineuses aigües récentes de l’étage fémoro-iliaque, très symptomatiques et survenant chez des sujets à risque hémorragique faible, des études s’avèrent encore nécessaires.