La formation possible d’un thrombus au niveau de la jonction saphéno-fémorale ou saphéno-poplitée est une éventualité connue des ablations endoveineuses thermiques.
Depuis la description par Kabnick en 2005 des EHIT (Endovenous heat-induced thrombosis) qu’il caractérise en 4 classes, et secondairement par Lawrence (6 classes), la relation entre ces EHIT et les complications thrombo-emboliques de type TVP ou EP n’est pas clair, tout comme l’intérêt de l’examen écho-Doppler systématique après procédure. Bien qu’histologiquement différents des thrombi fibrino-cruoriques, ils ne présentent pas de caractéristique échographique spécifique.
Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective japonaise, conduite entre janvier 2011 et décembre 2013, sur 213 des 382 centres habilités, ayant inclus au total 43203 procédures d‘ablation par laser endo-veineux (74 % GVS, 21 % PVS, 1 % bilatéral ou GVS + PVS et 1 % VSSA ou autre veine). Cette étude exclut de fait la radio-fréquence qui n’était pas autorisée par les institutions japonaises lors de la période de recrutement.
La procédure a été réalisée essentiellement avec des laser de 980 nm de longueur d’onde pour 138 centres. Quatre centres étaient équipés en 1470 nm et 3 avec du 1320 nm. Le positionnement de l’extrémité de la fibre était classiquement effectué entre 1 et 2 cm de la jonction. Il n’y a pas de précision quant à la mise en place d’une prévention thrombo-embolique, qui à priori n’a pas été réalisée.
Un écho-Doppler veineux systématique était pratiqué dans les 72 heures post procédure, et répété en cas d’EHIT, avec un contrôle différé supplémentaire effectué entre 1 et 3 mois.
Les évènements thrombo-emboliques veineux (ETE) retenus dans cette étude sont les EHIT de types 3 et 4 ainsi que les TVP et les EP sans EHIT associé. Leur date de survenue, et les caractéristiques des patients ont été étudiées, ces informations n’étant pas disponibles dans tous les centres pour les EHIT de type 2 (du fait de données incomplètes, seuls 118 des 143 centres ont rapporté les EHIT de type 2, ce qui donne pour ce sous-groupe en données corrigées une incidence de 1 % (300 cas sur 30.007)).
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N |
Incidence |
Age moyen |
SEXE M/F |
BMI |
Unilatérale/ bilatérale |
GVS/PVS |
CEAP c2/c3/c4/c5/c6 |
Score Caprini Faible/modéré/élevé |
EHIT 2 |
318 |
1 % |
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|
EHIT 3 |
50 |
0.11 |
66 |
21/29 |
23.1 |
47/3 |
47/5 |
32/11/7/2/1 |
21/22/7 |
EHIT 4 |
7 |
0.013 |
67 |
4/3 |
23.6 |
6/1 |
7/1 |
2/1/5/0/0 |
3/3/1 |
TVP |
24 |
0.063 |
61 |
3/21 |
22.1 |
24/0 |
17/6 |
21/2/0/0/0 |
3/21/0 |
EP |
3 |
0.0067 |
61 |
0/3 |
22 |
1/2 |
5/0 |
2/1/0/0/0 |
0/3/0 |
Caractéristiques des patients et membres traités et présentant des complications thrombo-emboliques
Les EHIT rapportés sont rares (50 de type 3, et 7 de type 4), soit respectivement 0.11 % et 0.013 %.
Trent cinq des 50 patients présentant un EHIT 3 étaient détectés au 1er examen écho-Doppler réalisé à J + 3.4. Parmi les 15 autres, 2 présentaient des EHIT 2 ayant progressé. Tous les patients ont reçu un traitement anticoagulant curatif de modalité variable, la plupart du temps en ambulatoire. Un seul patient a évolué vers un EHIT 4 malgré un traitement anticoagulant bien conduit.
Sur les 7 patients présentant un EHIT 4, un seul était détecté précocement (J +1.7). Pour les 6 autres cas, il s’agissait de la progression d’un EHIT 3 dans 1 cas, d’un EHIT 2 dans 2 cas, et d’un EHIT 1 ou une jonction normale dans les 3 autres cas.
Pour les TVP, les 24 thromboses étaient de localisation variée, essentiellement distales, sans précision sur leur caractère homo ou controlatérale, et concernant une large majorité de femmes (21/24)
|
GVS |
PSV |
GVS + PVS |
Autre veine |
Fémoral |
0 |
1 |
0 |
0 |
Poplitée |
2 |
0 |
0 |
0 |
Gastrocnémienne |
2 |
1 |
1 |
0 |
Soléaire |
7 |
4 |
4 |
1 |
Distal non précisé |
1 |
0 |
0 |
0 |
Localisation des 24 TVP retrouvées sans association directe à des EHIT
Pour les 3 EP rapportées, il s’agissait de procédures effectuées sous AG ou sédation forte, l’une survenue à J4 avec un écho-Doppler précoce normal, les 2 autres à J1 avant la réalisation de l’examen écho-Doppler précoce.
Les facteurs pouvant influer sur l’incidence des ETE (âge, sexe, obésité, diamètre veineux traité, score de Caprini et positionnement de l’extrémité de la fibre) ont été discutés dans de nombreuses études, sans qu’un facteur apparaisse réellement déterminant, ce que confirme l’analyse de cette série.
Même si la réalisation d’un écho-Doppler précoce est recommandé, aux USA comme en France, cette recommandation semble de bas grade et conduit certains auteurs à préférer un simple suivi clinique, dans l’attente de données médico-économiques robustes.
Concernant la progression des EHIT, 2 des 318 patients avec EHIT 2, et 1 des 50 patients avec EHIT 3 ont développé des EHIT 4. Cependant le faible taux d’EHIT 4 et de TVP dans l’étude rapporté ici est probablement expliqué par le fait que tous les patients EHIT 3 et 4 ont été traités par anticoagulation curative.
L’intérêt de cette étude est d’avoir séparé EHIT et TVP – EP, ce qui n’est pas toujours le cas dans la littérature, et de pouvoir mieux documenter l’évolution entre EHIT 2, 3 et 4. Elle incite à se poser plusieurs questions, même si elle ne permet pas d’y répondre :
1/ Faut-il réaliser un écho-Doppler systématique post procédure et si oui, dans quel délai ? Si un EHIT est retrouvé, quel traitement proposer ? L’actualisation des recommandations de la SFMV sur le thermique (à paraître) propose la prise en charge suivante résumée dans le tableau ci-dessous.
Classe |
Critères |
Traitement |
1 |
Thrombose de la JSF ou JSP ne s’étendant pas au réseau veineux profond |
Pas de traitement ni surveillance particulière |
2 |
Thrombose non occlusive du réseau veineux profond s’étendant à moins de 50% de la surface (coupe transversale) |
Traitement anticoagulant à dose préventive ou curative avec réévaluation échographique à 1 semaine. |
3 |
Thrombose non occlusive du réseau veineux profond s’étendant à plus de 50% de la surface (coupe transversale) |
Traitement anticoagulant curatif avec contrôle à 2 semaines et adaptation en fonction de la régression ou non du thrombus |
4 |
Thrombus veineux profond occlusif |
Traitement anticoagulant curatif pour une durée minimale de 6 semaines avec adaptation en fonction de la balance bénéfice/risque. |
2/ Compte tenu de l’incidence très faible des complications thrombo-emboliques après procédures endo-veineuses, rappelée ici dans cette étude, il parait justifié de ne pas utiliser de prévention thrombo-embolique veineuse systématique, mais de la réserver en cas de risque-patient élevé (épisodes thromboemboliques répétés, thrombophilies connues sévères, état d’hypercoagulabilité, cancer actif). Les paramètres tels que l’âge, le sexe, le BMI, le diamètre veineux et le score de Caprini, comme le positionnement sur mesure de l’extrémité de la fibre par rapport à la principale afférence de la jonction ne sont pas validés.
En conclusion, il faut garder à l’esprit que le risque thrombo-embolique veineux des procédures endo-veineuses thermiques est très faible et ne justifie pas de prévention thrombo-embolique systématique, en dehors d’un « risque-patient élevé », d’autant que la procédure est réalisée sous anesthésie tumescente exclusive, sans phlébectomie concomitante, avec une déambulation immédiate. La constatation d’un EHIT de type 2 ne doit pas conduire à une anticoagulation curative systématique. Quant à la question de les rechercher systématiquement en dehors de toute symptomatologie clinique, le débat reste ouvert !