Pilule oestroprogestative et risque thromboembolique veineux : le point
Pr Gilles Pernod. Janvier 2013
L’actualité récente a été particulièrement agitée quant au risque thromboembolique lié à l’utilisation de contraception oestroprogestative (COP), notamment de 3ème et 4ème génération. Les médecins vasculaires, en charge de cette pathologie, sont souvent sollicités par leurs patientes ou leurs confrères médicaux, pour avis. Cette mise au point leur est destinée.
Contraception oestroprogestative : de quoi parle-t-on ?
On dénombre en France environ cinq millions de femmes utilisatrices de COP. Ces pilules restent parmi les méthodes contraceptives les plus efficaces (0.1% de grossesses en utilisation optimale).
Les COP reposent sur l’association de deux hormones, un estrogène et un progestatif. Il existe actuellement 4 grandes catégories de pilules, selon la nature du ou des progestatifs qu'elles contiennent.
La 1ère génération de pilules (Triella®)* contient la norethistérone comme progestatif.
Les pilules de 2ème génération contiennent, comme progestatif, du norgestrel (Stediril) ou, plus souvent, de lévonorgestrel (Microval®, Minidril®).
Les pilules de 3ème génération comportent trois nouveaux progestatifs :
- soit du désogestrel : Mercilon®, Varnoline continu®
- soit du gestodène : Harmonet®, Minesse®, Minulet® et Tri Minulet®, Meliane®, Melodia®, Moneva® et Phaeva®
- soit du norgestimate : Cilest, Tri Cilest
Des pilules plus récentes, dite de 4ème génération de pilules, comportent notamment la drospirénone comme progestatif. Il s'agit, entre autres, de Jasmine®, Yaz®, Jasminelle®.
L’objectif des COP de 3ème et 4ème génération était de réduire le dosage de l'éthinyl-oestradiol à 20-30 microgrammes. Associés à des progestatifs moins androgéniques, elles sont donc censées éviter certains effets secondaires (l'acné, la prise de poids, les nausées..), même si, pour l'heure, aucune étude n'a démontré leur supériorité, comparée aux pilules de 2nde génération, sur ces effets secondaires.
Contraception oestroprogestative et risque thromboembolique veineux
L’utilisation des COP est associée à un risque d’événement thromboembolique veineux globalement multiplié par 3 – 4. Ce risque dépend de la dose d’oestrogènes: il est plus important pour les doses quotidiennes d’Ethinyl Estradiol (EE) de 50 μg que pour les doses de 30 μg (2,2 [1,3-3,7]), il reste imparfaitement évalué pour les pilules contenant 15 à 20 μg d’EE. Le risque varie également avec le type du progestatif associé à l’EE, et par comparaison aux progestatifs de 2ème génération, à dose égale d’EE (30μg), il est environ 2 fois plus élevé avec les progestatifs de 3ème – 4ème génération [1]. Ainsi, l’incidence est de 0,5 à 1 femme pour 10 000 femmes non utilisatrices de pilule, 2 femmes pour 10 000 utilisatrices de COP de 2ème génération), 3 à 4 femmes pour 10 000 utilisatrices de COC de 3ème – 4ème génération). Pour mémoire, on rappelle le risque lié à la grossesse de 6 pour 10 000 par an. Dans environ 2 % des cas, les accidents thromboemboliques veineux sont d'évolution fatale. Ce sur-risque observé a conduit récemment l’ANSM à privilégier l’utilisation en première intention des COP de 2ème génération contenant du lévonorgestrel.
Le risque relatif de thrombose veineuse lié à l’utilisation des COP diminue avec le temps, est plus élevé au cours de la première année. Par contre le sur-risque lié à la génération de pilule persiste lui sur la durée. Chez les femmes utilisatrices depuis une longue période, d’un contraceptif oral de 3ème – 4ème génération, il convient donc de réévaluer la balance bénéfice-risque de ce type de COP.
De nombreux facteurs de prédisposition sont susceptibles de moduler l’effet thrombogène de la contraception hormonale (l’âge - en particulier au-delà de 40 ans, les antécédents familiaux, l’obésité, le tabagisme, l’immobilisation….) Des recommandations, éditées en 2010 par la Société Française d’Endocrinologie, font le point sur l’utilisation des COP chez les femmes à risque thromboembolique veineux [2].
Le Collège National des Gynécologue-Obstétriciens, en collaboration avec le GEHT et la SFMV, travaille actuellement sur l’approche optimale de l’évaluation de ce risque thromboembolique veineux chez ces patientes.
*Remarque : les exemples sous leur appellation commerciale, sont donnés à titre indicatif, et ne sauraient être exhaustifs.
1. Lidegaard Ø, Nielsen LH, Skovlund CW et al. Risk of venous thromboembolism from use of oral contraceptives containing different progestogens and oestrogen doses: Danish cohort study,2001-9.BMJ 2011; 343: d6423.doi: 10.1136/bmj.d6423.
2. Gourdy P, Bachelot A, Catteau-Jonard S et al. Contraception hormonale chez la femme à risque vasculaire et métabolique : Recommandations de la Société française d'endocrinologie.Ann Endocrinol. 2012 ; 73 : 469-87.
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