Anesthésie locale tumescente standard vs tamponnée lors des procédures endothermiques : une étude randomisée.
L’ablation thermique endoveineuse, Laser ou Radio-fréquence, est le traitement de première intention des incontinences saphènes lorsqu’un traitement par échosclérothérapie à la mousse n’est pas retenu (Choose wisely, Varices saphènes et récidives. Traitements d’occlusion chimique ou thermique dans l’insuffisance des veines saphènes et des récidives, accessible sur le site du CNP de Médecine Vasculaire et publiés dans la revue Phlébologie Annales Vasculaires). La chirurgie classique (crossectomie/éveinage) n’a plus que des indications très rares.
L’ablation thermique oblige à la réalisation d’une anesthésie locale tumescente de qualité. Celle-ci consiste à infiltrer sous échographie une grande quantité d’un soluté contenant un anesthésique local autour de la veine à traiter. Elle va permettre :
- La protection des tissus environnants à la veine saphène (tissus sous-cutanés, revêtement cutané, nerfs, muscles).
- Un accolement de la veine sur l’élément chauffant, augmentant ainsi le contact entre les deux pour une optimisation de l’efficacité du traitement.
- Une anesthésie locale rendant le moment du traitement thermique indolore.
Les recommandations françaises actuelles proposent comme soluté du sérum physiologique à 0.9% avec de la lidocaïne non adrénalinée. Il s’agit d’un soluté au pH acide, non physiologique, qui va provoquer des douleurs lors de son injection. De nombreuses équipes ont cherché à modifier le pH du soluté en le rendant moins acide grâce à l’ajout de bicarbonates qui vont le tamponner. Ces solutions tamponnées par les bicarbonates sont off-label aujourd’hui en France bien qu’utilisées déjà par de nombreux centres.
L’objectif de cette étude randomisée (97 patients, traités par LEV ou RF avec phlébectomies) a été de mesurer la douleur de J0 à J6 sur une échelle visuelle analogique d’un premier groupe « standard » (n= 50) pour lequel la solution de tumescence standard a été utilisée (sérum physiologique + 100 mg de Lidocaïne adrénalinée 2%) à un second groupe « tamponné » (n=47) pour lequel la même solution de tumescence était tamponnée avec du bicarbonates 8.4 % dans un ratio de 1:100.
Les objectifs secondaires portaient sur la mesure de la qualité de vie (échelles AVVQ, SF-36, EQ-5D), la prise d’antalgique ou d’AINS en post-procédure, la satisfaction globale des patients en s’assurant que les résultats en termes d’occlusion n’étaient pas différents dans les 2 groupes.
Le suivi était effectué à 1, 6 et 12 semaines et comprenait un examen ultrasonique.
Les 2 groupes étaient comparables pour les variables : âge, sexe, CEAP, taille, poids, longueur de segment saphène traitée, volume de tumescence injectée, et VCSS. L’application de l’énergie (LEV ou RF) a été standardisée et ne diffère pas dans les 2 groupes, comme la prescription d’HBPM réservée aux patients jugés à risque. Les résultats sur l’occlusion sont strictement comparables dans les 2 groupes. Seule l’étendue des phlébectomies, systématiques dans les 2 groupes, n’est pas clairement précisée.
Les résultats montrent dans le groupe « tamponné » une diminution significative de la douleur per-procédure mesurée à 1.6 cm (IQR 0.8 -3.1) versus 4.3 cm (IQR 2.3 – 6.1) ; p=0.001.
La mesure de la douleur sur l’EVA, répétée de J0 à J6, est reportée sur la figure ci jointe : elle n’apparait plus significative au-delà de J3.
Le SF-36 était meilleur dans le groupe tamponné à 1 semaine, sans différence sur l’AVVQ, le SF 36 et le EQ-5D lors du suivi ultérieur.
Figure. Echelle visuelle analogique (EVA) des scores de douleur en post-procédure de J0 (post-procédure immédiat) à J6. En post-procédure immédiate à J0, 1.6 cm avec ALT tamponnée versus 4.3 cm avec ALT standard (p=0.001).
On ne peut que se réjouir, à plusieurs titres, des résultats de cette étude.
1/ On constate la confirmation de niveaux de douleur relativement élevés avec un soluté non tamponné (4.44±2.94). Une composition alternative du soluté semble donc nécessaire pour améliorer le confort des patients alors que l’on insiste sur le caractère uniquement local de l’anesthésie. L’adjonction de bicarbonates à la solution standard de tumescence augmente le pH de la solution et l’approche du pH interstitiel (7.3-7.5), ce qui la rend moins douloureuse à l’injection. Elle augmente parallèlement la fraction non ionisée liposoluble de la lidocaïne, permettant une pénétration intracellulaire plus rapide dans la fibre nerveuse. L’adjonction d’adrénaline donne une vasoconstriction, intéressante dans le cas de phlébectomies associées, augmente le délai d’action de la lidocaïne, et réduit sa recirculation systémique en ralentissant sa résorption. Le risque de précipitation d’une telle solution est très faible, mais doit être testée et contrôlée par l’opérateur, et la préparation être réalisée en extemporanée. L’actualisation des recommandations SFMV sur l’ablation thermique des veines saphènes, à paraître prochainement, précisera les modalités et l’usage d’une telle solution tamponnée qui s’impose comme un nouveau gold-standard.
2/ Aucun acte d’analgésie n’a été associé dans les 2 groupes, et toutes les procédures ont été effectuées sous ALT seule, bien que comprenant systématiquement des phlébectomies. Dés lors, il n’apparait pas souhaitable de recourir à une analgésie complémentaire (autre qu’une neuroleptanalgésie laissant le patient vigile) pour effectuer une procédure thermique même en cas de phlébectomies associées, sauf cas très exceptionnels. Ce n’est pas ce que l’on observe en France aujourd’hui. Il va être nécessaire de diffuser un discours pédagogique auprès de tous pour accélérer les changements de pratiques.
3/ D’autres techniques sans tumescence arrivent progressivement (colle cyanoacrylate et MOCA). Même si elles semblent prometteuses, elles ne représentent pas les traitements d’avenir à court et moyen termes. Se concentrer actuellement sur une amélioration des procédures thermiques, notamment pour ce qui concerne le confort et la sécurité des patients, nous semble plus important. L’amélioration de la tolérance de l’anesthésie par tumescence grâce à l’adjonction de bicarbonates est un choix logique, peu coûteux, qui autorise la réalisation de procédures thermiques de qualité sans analgésie associée, qu’elles comprennent ou non des phlébectomies.
Figure. Echelle visuelle analogique (EVA) des scores de douleur en post-procédure de J0 (post-procédure immédiat) à J6. En post-procédure immédiate à J0, 1.6 cm avec ALT tamponnée versus 4.3 cm avec ALT standard (p=0.001).
On ne peut que se réjouir, à plusieurs titres, des résultats de cette étude.
1/ On constate la confirmation de niveaux de douleur relativement élevés avec un soluté non tamponné (4.44±2.94). Une composition alternative du soluté semble donc nécessaire pour améliorer le confort des patients alors que l’on insiste sur le caractère uniquement local de l’anesthésie. L’adjonction de bicarbonates à la solution standard de tumescence augmente le pH de la solution et l’approche du pH interstitiel (7.3-7.5), ce qui la rend moins douloureuse à l’injection. Elle augmente parallèlement la fraction non ionisée liposoluble de la lidocaïne, permettant une pénétration intracellulaire plus rapide dans la fibre nerveuse. L’adjonction d’adrénaline donne une vasoconstriction, intéressante dans le cas de phlébectomies associées, augmente le délai d’action de la lidocaïne, et réduit sa recirculation systémique en ralentissant sa résorption. Le risque de précipitation d’une telle solution est très faible, mais doit être testée et contrôlée par l’opérateur, et la préparation être réalisée en extemporanée. L’actualisation des recommandations SFMV sur l’ablation thermique des veines saphènes, à paraître prochainement, précisera les modalités et l’usage d’une telle solution tamponnée qui s’impose comme un nouveau gold-standard.
2/ Aucun acte d’analgésie n’a été associé dans les 2 groupes, et toutes les procédures ont été effectuées sous ALT seule, bien que comprenant systématiquement des phlébectomies. Dés lors, il n’apparait pas souhaitable de recourir à une analgésie complémentaire (autre qu’une neuroleptanalgésie laissant le patient vigile) pour effectuer une procédure thermique même en cas de phlébectomies associées, sauf cas très exceptionnels. Ce n’est pas ce que l’on observe en France aujourd’hui. Il va être nécessaire de diffuser un discours pédagogique auprès de tous pour accélérer les changements de pratiques.
3/ D’autres techniques sans tumescence arrivent progressivement (colle cyanoacrylate et MOCA). Même si elles semblent prometteuses, elles ne représentent pas les traitements d’avenir à court et moyen termes. Se concentrer actuellement sur une amélioration des procédures thermiques, notamment pour ce qui concerne le confort et la sécurité des patients, nous semble plus important. L’amélioration de la tolérance de l’anesthésie par tumescence grâce à l’adjonction de bicarbonates est un choix logique, peu coûteux, qui autorise la réalisation de procédures thermiques de qualité sans analgésie associée, qu’elles comprennent ou non des phlébectomies.