ANGIOPLASTIE-STENTING VERSUS TRAITEMENT MEDICAL DANS LES STENOSES VERTEBRALES SYMPTOMATIQUES

Titre original : 
Stenting versus medical treatment in patients with symptomatic vertebral artery stenosis : a randomised open label phase 2 trial.
Titre en français : 
ANGIOPLASTIE-STENTING VERSUS TRAITEMENT MEDICAL DANS LES STENOSES VERTEBRALES SYMPTOMATIQUES
Auteurs : 
Compter A, van der Worp HB, Schonewille WJ, et al.
Revue : 
Lancet Neurology. 2015; 14: 606–14.

Traductions & commentaires : 
Jean Noël Poggi



Contexte : les patients porteurs d’une sténose ≥ 50% symptomatique de l’artère vertébrale ont un risque élevé de récidive. L’angioplastie-stenting de la sténose de l'artère vertébrale est un geste prometteur, mais de bénéfice incertain. Nous avons étudié la faisabilité et l'innocuité de la pose d'un stent en cas de sténose de l'artère vertébrale ≥ 50% symptomatique, et évalué le taux d'événements vasculaires dans le territoire vertébro-basilaire pour éclairer la conception d'un essai de phase 3.

Méthode : entre le 22 janvier 2008, et le 8 Avril 2013, les patients ayant présenté un AIT ou un infarctus récent dans le territoire vertébro-basilaire sur sténose de l'artère vertébrale intracrânienne ou extra-crânienne d'au moins 50% ont été enrôlés dans sept hôpitaux aux Pays-Bas pour un essai de phase 2 en ouvert, avec évaluation masquée du résultat. Les patients ont été répartis au hasard (rapport de 1:1) pour stenting et traitement médical optimal ou traitement médical optimal seul, en utilisant un système de randomisation basé sur le Web. Le critère principal est composite (décès d'origine vasculaire, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) dans les 30 jours après le début du traitement. Les critères d'évaluation secondaires étaient les infarctus dans le territoire de l'artère vertébrale symptomatique au cours du suivi, le critère composite au cours du suivi, et le degré de sténose de l'artère vertébrale symptomatique à 12 mois. L’essai est enregistré sous le numéro ISRCTN29597900.

Résultats : l’étude a été arrêtée après l'inclusion de 115 patients en raison des nouvelles exigences réglementaires, y compris l'utilisation de types de stent pré-spécifiés avec surveillance externe, pour lesquels aucun financement n’était disponible. 57 patients ont été assignés à la pose d’un stent, et 58 à un traitement médical seul. Trois patients du groupe stenting sont décédés de cause vasculaire, d'infarctus du myocarde, ou d’accident vasculaire cérébral dans les 30 jours après l’initiation du traitement (5%, 95%IC 0-11) contre un patient dans le groupe sous traitement médical seul (2%, 95%IC 0-5). Au cours d'un suivi médian de 3 ans (IQR 1.3 – 4.1), sept (12%, 95%IC 6-24) patients dans le groupe stenting et quatre (7%, 95%IC  2-17) dans le bras médical seul ont eu un AVC dans le territoire de l'artère vertébrale symptomatique ; 11 (19%) patients dans le groupe stenting et dix (17%) dans le groupe traitement médical ont connu un décès de cause vasculaire, un infarctus du myocarde, ou un accident vasculaire cérébral. La petite taille de l'artère vertébrale et les artéfacts liés aux stents n'ont pas permis la quantification exacte de la resténose sur l'angioTDM. Au cours de la période complète de suivi, il y a eu 60 événements indésirables graves (huit AVC) dans le groupe stenting et 56 (sept AVC) dans le groupe traitement médical seul.

Interprétation : le stenting d’une sténose symptomatique de l'artère vertébrale est associée à un taux de complication vasculaire péri-procédurale majeure chez un patient sur 20. Dans la population, nous avons calculé que le risque de récidive d'AVC vertébro-basilaire sous traitement médical optimal seul était faible, ce qui a remis en cause la nécessité et la faisabilité d'un essai de phase 3.

Financement: Dutch Heart Fondation.

 

BUT DE L’ETUDE

 

Evaluer l'innocuité et la faisabilité de la pose d'un stent associé à un traitement médical optimal chez les patients présentant une sténose vertébrale ≥ 50% symptomatique, dans une étude randomisée de phase 2 (VAST), ainsi qu’évaluer les taux de récidive d'accident vasculaire cérébral vertébro-basilaire afin d’envisager la réalisation d’un essai de phase 3.

 

Etude

Phase 2, Multicentrique, Pays Bas.

Prospective, réalisée en ouvert.

Randomisation par centre et par localisation de la sténose vertébrale (V1 à V4), selon un protocole basé sur le Web, ratio 1/1.

Evènements évalués en aveugle par un comité des évènements.

Prévisionnel : 180 patients, 90 dans chaque groupe.

Population

Adultes > 18 ans.

AIT ou Infarctus cérébral mineur de moins de 6 mois dans le territoire vertébro-basilaire.

Sténose vertébrale d’origine athéroscléreuse ≥ 50 %, confirmée par au moins 2 techniques d’imagerie, et accessible à l’angioplastie.

Intervention

Traitement médical optimal plus traitement endo-vasculaire avec stent.

Comparateur

Traitement médical optimal seul.

Evaluation

Critère principal : décès d’origine vasculaire, IDM, AVC toute cause dans les 30 jours après l’inclusion.

Critères secondaires : IC dans le territoire de la sténose vertébrale, critère composite (décès vasculaire, IDM, AVC toute cause) dans le suivi, degré de resténose à 1 an.

Analyse en intention de traiter.

Durée

3 ans

Notes

115 patients recrutés par 7 centres néerlandais, de janvier 2008 à avril 2013, étude arrêtée prématurément après le décès per procédure d’un patient dans le groupe stent.

 

RESULTATS

 

Caractéristiques des patients :

Age moyen 65 ans ; 2/3 de sexe masculin ; facteurs de risque C-V retrouvés par ordre de fréquence : dyslipidémie (90 %), HTA (70 %), tabac (30 %) ; traitement à l’inclusion : antiplaquettaires > 90 % (aspirine), statine (90 %), antihypertenseur (70 %) ; 2/3 des patients ont présenté un accident vertébro-basilaire avant le dernier événement à l’inclusion.

 

Caractéristiques de la sténose vertébrale :

Elle est à 80 % localisée en V1 et 17 % en V4, la vertébrale gauche est intéressée dans 60 % des cas, une lésion controlatérale significative (occlusion, sténose > 50 %, hypoplasie) est présente dans 55 % des cas, une lésion significative de la carotide associée est retrouvée dans 20 % des cas.

 

Pas de différence significative entre les 2 groupes après 3 ans de suivi :

-          Risque cumulé de récidive d’infarctus V-B en cas de sténose vertébrale symptomatique dans le bras médical seul : 7 %.

-          Risque péri-procédural à 30 jours après angioplastie-stenting d’une sténose symptomatique de la vertébrale : 5 %.

 

Le degré de resténose vertébrale n’a pas pu être établi avec suffisamment de précision pour être objectivé, excepté pour l’évolution vers l’occlusion, en raison d’une absence de critères ultrasonores de resténose prédéfinis, d’un diamètre de vaisseau trop petit et d’artéfacts générés par le stent sur les scanners.

 

Résultats

Stent (57)

BMT (58)

Critère primaire, à 30 jours

Composite (décès vasculaire, IDM, AVC)

3 (5 %)

1 (2 %)

Etude post-hoc à 30 j

AVC toutes causes

3 (5 %)

1 (2 %)

Infarctus dans le territoire de la vertébrale

1 (2 %)

1 (2 %)

Critère secondaire, après suivi complet à 3 ans

Composite (décès vasculaire, IDM, AVC)

11 (19 %)

10 (17 %)

Etude post-hoc après suivi complet

AVC toutes causes

8 (14 %)

8 (14 %)

Infarctus dans le territoire de la vertébrale

5 (9 %)

4 (7 %)

 

 

DISCUSSION

 

Le risque de récidive après sténose symptomatique de la vertébrale (7 % sur un suivi de 3 ans) dans cette étude semble nettement plus faible que celui retrouvé dans 2 études prospectives antérieures poolées (9,6 % vs 2,8 % en l’absence de sténose vertébrale, à 3 mois) d’après Gulli en 2013 (1). Ce résultat plutôt faible est probablement explicable par la durée médiane de 25 jours séparant l’évènement neurologique et la randomisation, de précédents travaux ayant montré un risque plus élevé dans les 15 jours suivant l’évènement neurologique, comme pour les carotides. Une seconde explication est également envisagée en raison de la forte prédominance de lésions vertébrales extra-crâniennes (80 %), qui sont considérées comme étant moins à risque que les sténoses vertébrales intra-crâniennes.

 

2 autres essais, menés de façon prospective, ont comparé l’angioplastie-stenting au traitement médical dans les sténoses vertébrales ≥ 50 % : l’étude CAVATAS (Carotid and Vertebral Artery Transluminal Angioplasty Study) (2) et l’étude SAMMPRIS (Stenting and Aggresive Medical Management for Preventing Recurrent strokes in Intracranial Stenosis) (3). Dans CAVATAS, 16 patients ont une sténose vertébrale ≥ 50 % symptomatique (extra- ou intra-crânienne) mais aucune récidive n’est retrouvée. Dans SAMMPRIS, 60 patients avec sténose vertébrale intra-crânienne symptomatique sont inclus, le taux de récidive après angioplastie-stenting est de 21 % pour 10 % dans le groupe traitement médical seul.

 

Il est possible que le bénéfice de l’angioplastie stenting aurait pu être mis en évidence si le délai entre le recrutement et la survenue de l’événement neurologique avait été plus court.

 

Selon cette étude, si on accepte un taux d’incidence cumulée de 7 % d’AVC dans le territoire d’une sténose vertébrale symptomatique, une réduction attendue du risque de 20 % grâce à l’angioplastie, sur un suivi moyen de 3 ans, pour une puissance de 80 %, un effectif de 9500 patients est nécessaire pour conclure à un bénéfice de l’angioplastie dans une étude de phase 3, ce qui ne semble pas réalisable.

 

 

 

COMMENTAIRE

de TN Turan et MI Chimowitz (Lancet, Neurology, 2015).

 

Première remarque : le mécanisme d'AVC en cas d’athérosclérose de l'artère vertébrale est généralement embolique d’artère à artère, et non hémodynamique par hypo-perfusion. Donc, les stratégies visant à la prévention de l'embolie d’artère à artère, tels que la stabilisation de la plaque avec des statines et la prévention de la formation de thrombus par des agents antiplaquettaires, sont susceptibles d'être plus efficace que les procédures de revascularisation qui visent à augmenter le flux sanguin.

 

Deuxième remarque : l'inclusion de patients atteints de sténose vertébrale intracrânienne, considérée comme à haut risque d'accident vasculaire cérébral péri-procédural après stenting dans les essais SAMMPRIS et VISSIT (4) (le stenting étant considéré comme plus efficace chez les patients présentant une sténose vertébrale extracrânienne), explique peut-être que le stenting ne soit pas supérieur au traitement médical optimal dans VAST. Il faudrait faire une étude de sous groupe après exclusion des sténoses vertébrales intracrâniennes.

 

Troisième remarque : comme dans SAMMPRIS et VISSIT, dans VAST, le stenting ne fait pas mieux que le traitement médical au-delà de la phase péri-procédurale (période à risque accru).

 

Quatrième remarque : dans VAST, le taux de récidive d'AVC dans le groupe médical était plus faible qu’attendu (Gulli, Stroke 2013). Ce faible taux est probablement en partie dû à une plus longue période d’inclusion après l'apparition des symptômes (intervalle médian entre le dernier symptôme à l'inclusion : 25 jours).

 

Conclusion : les résultats des études ont montré que le traitement médical n’est pas inférieur à la revascularisation endovasculaire d’une sténose stable au niveau des artères coronaires (COURAGE), des artères rénales (CORAL), d’une sténose symptomatique intracrânienne (SAMMPRIS et VISSIT), et de l'artère vertébrale (VAST).

La poursuite de la recherche de preuves d’un bénéfice des procédures endovasculaires, coûteuses pour les patients, ne semble pas justifiée lorsqu’un traitement médical efficace sont est disponible. Un effort doit certainement être fourni quant à l’amélioration de la mise en œuvre d’un traitement médical intensif, pour le bénéfice de nos patients. Le traitement  médical intensif doit devenir la norme en ce qui concerne la prise en charge thérapeutique.

 

Références

 

  1. 1.                 Gulli G, Marquardt L, Rothwell PM, Markus HS. Stroke risk after posterior circulation stroke/transient ischemic attack and its relationship to site of vertebrobasilar stenosis: pooled data analysis from prospective studies. Stroke.  2013 Mar;44(3):598-604.
  2. 2.                 Ederle J, Bonati LH, Dobson J et al ; CAVATAS Investigators. Endovascular treatment with angioplasty or stenting versus endarterectomy in patients with carotid artery stenosis in the Carotid and Vertebral Artery Transluminal Angioplasty Study (CAVATAS): long-term follow-up of a randomised trial. Lancet Neurol. 2009 Oct;8(10):898-907.
  3. 3.                 Derdeyn CP, Chimowitz MI, Lynn MJ, Fiorella D et al.; Stenting and Aggressive Medical Management for Preventing Recurrent Stroke in Intracranial Stenosis Trial Investigators. Aggressive medical treatment with or without stenting in high-risk patients with intracranial artery stenosis (SAMMPRIS): the  final results of a randomised trial. Lancet. 2014 Jan 25;383(9914):333-41.
  4. 4.                 Zaidat OO, Fitzsimmons BF, Woodward BK, et al ; VISSIT Trial Investigators. Effect of a

balloon-expandable intracranial stent vs medical therapy on risk of stroke in patients with symptomatic intracranial stenosis: the VISSIT randomized clinical

trial. JAMA. 2015 Mar 24-31;313(12):1240-8.