Coagulation intravasculaire localisée compliquant les malformations veineuses chez l’enfant : association et options thérapeutiques.

Titre original : 
Localised intravascular coagulation complicating venous malformations in children: Associations and therapeutic options.
Titre en français : 
Coagulation intravasculaire localisée compliquant les malformations veineuses chez l’enfant : association et options thérapeutiques.
Auteurs : 
Zhuo KY, Russell S, Wargon O, Adams S.
Revue : 
J Paediatr Child Health. 2017 Aug;53(8):737-741.

Traductions & commentaires : 
Monira NOU-HOWALDT (pour le groupe expert des malformations vasculaires de la Société Française de Médecine Vasculaire)



INTRODUCTION

Les malformations veineuses (MV) sont présentes dès la naissance et croissent avec l’âge. Elles constituent près de la moitié des anomalies vasculaires avec une prévalence de 1% de la population générale. De topographie et d’extension simples ou multiples, elles peuvent être combinées à l’atteinte d’autres vaisseaux (capillaire, lymphatique, artério-veineuse) et se présenter sous des formes syndromiques (PIKC3A, Klippel Trenaunay, Maffucci). Les MV sont le plus souvent bénignes mais la présence de signe de coagulation intravasculaire locale (CIVL) semble expliquer la survenue de symptômes et de complications. Les auteurs pensent donc qu’une meilleure compréhension de ses anomalies permettrait une meilleure gestion des complications.

PHYSIOPATHOLOGIE DES CIVL

Il est désormais reconnu que les MV étendues sont plus fréquemment associées à des anomalies de la coagulation se caractérisant par une augmentation des D-dimères et une diminution du taux de fibrinogène. La présence d’une CIVL pourrait être corrélée à la présence de phlébolithes. Les MV avec extension osseuse, musculaire ou viscérale sont plus fréquemment associées à une CIVL, tout comme les formes syndromiques avec présence de veines embryonnaires (formes PIKC3A et les syndromes de Klippel Trenaunay). La persistance de ces reliquats embryonnaires intrigue les auteurs et leur laissent penser qu’il existerait un lien avec les coagulopathies. Les patients avec une CIVL sont plus à risque de faire une complication thromboembolique veineuse ou de présenter un événement hémorragique et d’aboutir à une coagulation intravasculaire disséminée. Selon les auteurs, il semble important de réaliser un monitoring régulier de leur profil de coagulation.

PRESENTATION CLINIQUE

Souvent asymptomatiques, les CIVL peuvent se manifester par des thromboses veineuses ou des saignements notamment des muqueuses ou du tube digestif. Elles sont plus fréquentes chez l’adulte mais peuvent se rencontrer chez l’enfant. Peu de données existent chez l’enfant mais, il semble y avoir des variations avec de longues périodes asymptomatiques et des épisodes d’exacerbation favorisés par les infections, les traumatismes, l’immobilisation ou la grossesse.

BILAN DE COAGULATION

Selon les auteurs, même s’il n’existe actuellement pas de recommandation, tous les patients atteints de MV sont à risque de CIVL et doivent bénéficier d’un bilan sanguin associant une numération de la formule sanguine, un dosage de la prothrombine, du temps d’activation de la thromboplastine, des D-dimères et du fibrinogène. Un taux élevé de D-dimères signe la présence d’une CIVL avec un taux de spécificité élevé à 96,5% mais une sensibilité plus faible à 43,5%. Les auteurs soulignent que les formes extensives chez les adultes et l’enfant sont associées à une élévation des D-Dimères dans 42 à 58% des cas et 6 à 10% ont un taux de fibrinogène bas avec des plaquettes normales.

CORRELATION ENTRE L’AGE PEDIATRIQUE, L’ETENDUE DE LA MV ET LA PROGRESSION DE LA CIVL

S’il est admis que les MV étendues et les formes infiltrantes sont plus fréquemment associées à des désordres de la coagulation, peu de données existent sur les formes multifocales, les formes volumineuses et l’atteinte chez l’enfant. Une série de cas de 6 patients a suggéré qu’il existait une corrélation entre la progression de la CIVL et l’âge de l’enfant. Ainsi, plus la MV grossit, plus le risque de CIVL serait élevé mais le faible nombre de patients étudiés ne permet que de le suggérer. Une autre étude longitudinale, rétrospective, de 453 patients qui comparait deux périodes espacées de 8 ans de l’enfance à l’adolescence,  a montré que les MV étaient évolutives en terme de taille et de symptômes au fil des années. Néanmoins, le nombre exact de patients souffrant de CIVL n’a pas été analysé. Il apparait que l’âge de 12 ans est le moment où la croissance de la MV, les formes symptomatiques ou les complications sont les plus importantes. Les auteurs soulignent la possibilité de l’action des variations hormonales au cours de la puberté. Néanmoins, cette étude est limitée par sa nature rétrospective avec un manque d’analyse multivariée.

 TRAITEMENT DE LA CIVL

Il n’existe aucune recommandation sur la prise en charge de la CIVL dans les MV. La compression pourrait théoriquement avoir un bénéfice en diminuant la stase sanguine au sein de la MV notamment en cas d’atteinte des membres, et peut être associée à la sclérothérapie. Mais aucune donnée n’a validé cette théorie. L’usage des anti-agrégants plaquettaires et des antivitamines K n’a pas non plus démontré son efficacité dans la CIVL et ne modifie pas les taux de D-dimères. Quant à l’usage des héparines de bas poids moléculaire (HBPM), une étude prospective chez l’enfant a montré une légère diminution des taux de D-Dimères (sans pour autant les normaliser), mais le nombre de sujets étudiés était très faible. Pour autant, de nombreux auteurs s’accordent sur la nécessité d’utiliser les HBPM en pré et post thérapeutique de MV afin de prévenir une CIVL chez les sujets à haut risque de complications thromboemboliques. En effet, le groupe expert des Anomalies Vasculaires de la Société Américaine d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique recommande un traitement par HBPM en pré et post sclérothérapie (au moins quinze jours avant et après) chez tous les sujets dont le taux de D-dimères est supérieur à cinq fois la normale. Les auteurs suggèrent de traiter la CIVL avant la sclérothérapie, mais également avant toute chirurgie ou traitement endoveineux de MV. L’usage des nouveaux anticoagulants n’est pas recommandé chez l’enfant. Enfin, l’utilisation de la rapamycine pour traiter les CIVL ne doit être envisagée qu’en dernier recours, car les événements indésirables sont importants et des études complémentaires sont nécessaires pour prouver son efficacité en cas de coagulopathie.

CONCLUSION :

Les CIVL sont donc fréquentes en cas de MV étendues et doivent être recherchées. Actuellement, seuls les HBPM ont démontré une relative efficacité même si des études complémentaires sont nécessaires.