Effets d’une réadaptation à domicile de faible ou de forte intensité sur la distance de marche chez les patients avec artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
INTRODUCTION
Pour les patients atteint d'une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), les recommandations actuelles sont en faveur d'une réadaptation supervisée à la marche d’intensité élevée. Néanmoins, des exercices de marche de forte intensité pourraient réduire l’observance, voir créer des lésions musculaires.
A contrario, des exercices de marche de faible intensité pourraient améliorer l’observance ; mais le bénéfice d’un tel protocole n’a pas encore été démontré.
Cet essai clinique, le Low Intensity Exercice Intervention in PAD (LITE), a pour objectif de déterminer si une rééducation à domicile avec marge de faible intensité améliore la distance de marche chez le patient artériopathie, comparativement à des exercices d'intensité élevée à un groupe contrôle sans exercice de rééducation.
Par définition, un exercice de marche de forte intensité induit une symptomatologie ischémique des membres inférieurs, alors qu’un exercice de marche de faible intensité n’induit pas de symptomatologie ischémique des membres inférieurs
METHODES
LITE est un essai contrôlé randomisé avec 3 groupes en parallèles
•
un groupe de réadaptation à domicile de faible intensité (GL)
•
un groupe de réadaptation à domicile de forte intensité (GH)
•
un groupe contrôle sans réadaptation à la marche (GC)
Les critères d’inclusion étaient les suivants :
•
IPSc ≤ 0.90
•
Chute de l’IPSC ≥ 20 % au test de montée sur la pointe des pieds chez les patients avec IPSc entre 0.91 et 1.00 au repos
•
AOMI documentée en angiologie ou imagerie angioCT/angioIRM
Les critères de non-inclusion étaient les suivants :
•
amputation majeure
•
fauteuil roulant
•
aide à la marche autre qu’une simple canne
•
trouble trophique au pied
•
ischémie critique
•
MMS < 23
•
déficience visuelle ou auditive significative
•
chirurgie majeure planifiée dans les 12 mois à venir.
•
chirurgie de revascularisation ou orthopédique des membres inférieurs réalisée dans les 3 mois
•
comorbidité médicale majeure
•
patients pour lesquels l’exercice pourrait être délétère
•
patients réalisant déjà des activités similaires à celles de la réadaptation
•
patients incapables de marcher suffisamment lentement pour éviter la symptomatologie ischémique
•
patient sans symptomatologie ischémique à la marche
L’IPS a été calculé pour chaque jambe comme la moyenne des pressions pédieuse et tibiale postérieure divisée par la moyenne des pressions brachiales.
La randomisation a été faite sur un ratio 120:120:65 avec une permutation par bloques de 61. Une stratification a été faite selon le centre et le consentement pour une biopsie musculaire.
Les protocoles avaient une durée de 12 mois.
De la semaine 1 (S1) à la semaine 4 (S4), tous les participants avaient une visite hebdomadaire.
De la semaine 5 à la semaine 52, chaque participant bénéficiait d’un contact téléphonique, avec des conseils pour les exercices par des coachs dans les groupes réadaptations, et des conseils par une personne différente pour le groupe témoin.
Groupes réadaptations
De S1 à S4, un coach enseigne l’utilisation d’un accéléromètre afin de surveiller l’intensité de chaque réadaptation. Une séance de basse intensité était décomptée quand le patient avait porté l’accéléromètre en marchant 5 minutes sans symptômes ischémiques ; une séance d’intensité élevée était décomptée quand le patient avait porté l’accéléromètre en marchant 5 minutes à un rythme induisant une symptomatologie ischémique maximale.
Il était demandé à chaque groupe de marcher sans supervision 5 fois par semaine, jusqu’à 50 minutes par session, en portant l’accéléromètre.
Groupe contrôle
De S1 à S4, une heure d’éducation thérapeutique par semaine en consultation.
De S5 à S52, un appel téléphonique à visée éducative par semaine.
Critères de jugement
Le critère de jugement primaire était :
•
la variation à 12 mois du test de marche de 6 minutes.
Les critères de jugement secondaires étaient :
•
la variation à 6 mois du test de marche de 6 minutes
•
la variation à 12 moins de la durée maximale de marche sur tapis roulant
•
la variation à 6 et 12 mois des distance et vitesse sur le WIQ (Walking Impairment Questionnaire)
•
la variation à 6 et 12 mois du score fonctionnel sur le SF-36 (36-Items Short Form Health Survey)
•
la variation à 6 et 12 mois dans l’activité physique
•
l’adhérence aux objectifs durant le dernier mois (i.e. > 80% de l’objectif en terme de minutes d’exercice par semaine)
•
les changements sur les biopsies musculaires
Test de marche de 6 minutes : les patients allaient et venaient dans un couloir de 30.48 m afin de couvrir la plus grande distance possible en 6 minutes. La variation minimale cliniquement significative (VM) était fixée entre 8 et 20 m.
Tapis roulant : le protocole utilisé était celui de Gardner-Skinner.
WIQ : questionnaire d’auto-mesure des limitations à la marche, spécifique à l’AOMI (de 0 à 100, meilleur score).
SF-36 : questionnaire de qualité de vie (de 0 à 100, meilleur score).
Biopsie musculaire : réalisée au sein du gastrocnémien médial, à l’inclusion et à 12 mois.
Statistiques
Les deux premiers tests évaluaient la variation du test de marche de 6 minutes, d’une part entre le groupe GL et le groupe GH, et d’autre part entre le groupe GL et le groupe GC.
Pour le calcul de la puissance, un suivi de 85% des patients était envisagé.
•
Un échantillon de 305 patients permettait d’avoir une puissance de 80% pour détecter une différence de 0.43 déviation standard (26 m) entre les groupes GL et GH, et une différence de 0.52 déviation standard (31 m) entre GL et GC.
•
Le test utilisé était test t de Student bilatéral avec un seuil de significativité à 0.025, puis évolué vers un modèle mixte à mesures répétées en raison d’un taux de perdu de vue réévalué à 16%.
•
Pour les tests en dehors du critère de jugement primaire, le seuil de significativité (P value) est fixé à 0.05.
•
Une analyse post-hoc a été réalisée selon les caractéristiques des participants.
RESULTATS
Trois cent cinq patients ont été randomisés ; 257 (84%) ont été suivis jusqu’à 6 mois et 250 (82%) jusqu’à 12 mois.
Compliance
De S1 à S4, le taux de compliance était de 88.8% dans le groupe GL, 91.9% dans le groupe GH et 60.0% dans le groupe GC. De S5 à S52, les taux de succès des consultations téléphoniques étaient respectivement de 84.6, 85.1 et 61.8 %.
Comparativement au groupe GH, le groupe GL a travaillé avec une intensité plus faible (728 unités d’activités vs 1584, P<.001), plus de jours par semaine (3.5 vs 2.8, P<.001), plus de minutes par semaine (en moyenne 145 vs 77, P<.001), et atteignait leur cible de travail plus fréquemment (92% vs 63%, P<.001).
Critère de jugement primaire
·
Au suivi à 12 mois :
Le groupe GL avait une variation du test des 6 mn plus faible que le groupe GH (-6.4m vs +34.5m, P<.001)
Le groupe GL ne montrait pas de différence significative du test des 6 mn versus le groupe GC (-6.4m vs - 15.1m, P=.44)
Critères de jugement secondaire (Tableau)
Groupe GL versus groupe GC
•
Au suivi à 6 mois :
Le groupe GL avait augmenté significativement le score distance et le score vitesse au WIQ, ainsi que le score fonctionnel au SF-36.
•
Au suivi à 12 mois :
Le groupe GL avait augmenté significativement le score distance et le score vitesse au WIQ.
Le groupe GL n’avait pas augmenté significativement la distance de marche au test des 6 mn ni la distance maximale de marche au test sur tapis.
Groupe GL versus groupe GH
•
Au suivi à 6 mois :
Le groupe GL avait significativement moins augmenté la distance de marche au test des 6 mn.
Le groupe GL avait augmenté significativement le score distance au WIQ.
Il n’y avait pas d’autre différence statistiquement significative entre ces deux groupes.
Au suivi à 12 mois :
Le groupe GL avait été moins efficace pour l’amélioration du temps maximal de marche au test sur tapis.
Durant le dernier mois : l’atteinte des objectifs ≥ 80% n’était statistiquement pas différente entre les deux groupes (P=.09).
Groupe GH versus GC
•
Au suivi à 6 mois :
Le groupe GH avait significativement plus augmenté la distance au test de marche des 6 mn, le score distance et le score vitesse sur le WIQ.
•
Au suivi à 12 mois :
Le groupe GH avait significativement plus augmenté la distance au test de marche des 6 mn, le temps de marche maximum au test sur tapis roulant, le score distance et le score vitesse au WIQ.
Analyse post-hoc
Les analyse post-hoc n’ont pas montré d’interaction significative selon les caractéristiques de la population, ni d’effet de site. Il n’a pas été retrouvé de différence significative concernant les paramètres évalués sur la biopsie musculaire.
Il y a eu des effets secondaires au sein de chaque groupe, 74 dans le groupe GL, 80 dans le groupe GH et 30 dans le groupe GC. Ces effets ont amené à deux revascularisations coronaires, l’un chez un patient du groupe GL, l’autre du groupe GH.
DISCUSSION
Dans cet essai contrôle randomisé multicentrique avec 305 participants, une réadaptation de faible intensité s’est révélée moins efficace qu’une réadaptation d’intensité élevée pour améliorer les performances au test de marche de 6 mn.
Comparativement au groupe GC, malgré l’absence d’amélioration objective dans le groupe GL, une amélioration subjective était notée. Cela pourrait être dû à l’absence d’aveugle. Cela pourrait être lié à un rythme de marche plus lent lié aux consignes données (ne pas déclencher la douleur ischémique) ; cependant, sur les tests de tapis roulant ou le rythme est imposé, le groupe GL restait moins amélioré que le groupe GH, et pas différent du groupe GC. Cela pourrait enfin être lié à la meilleur perception de leur capacité, car ce groupe réalisait des exercices de marche de 145 minutes sur une moyenne de 3,5 jour/semaine.
Une réadaptation à domicile d’intensité élevée avec coaching téléphonique a amélioré significativement la distance au teste de marche des 6 mn chez les patients avec AOMI, conformément aux recommandations de 2016 (classe IIA), mais contrairement aux publications de McDermott en 2018 et de Collins en 2019.
Points forts de l’étude :
•
L’étude est multicentrique.
•
Cinquante-neuf pour cent des participants étaient des afro-américains.
•
La réadaptation à domicile était documentée grâce aux accéléromètres.
Points faible de l’étude :
•
Taux de perdus de vue à douze mois de 18%.
•
Présence de données manquantes concernant les tests sur tapis roulant à douze mois (certains ayant été non-réalisés en raison de la pandémie de SARS-Cov2).
•
Ces résultats ne sont pas généralisables à une réadaptation supervisée sur tapis de marche.
CONCLUSION
Une réadaptation à domicile de faible intensité est moins efficace qu’une réadaptation à domicile d’intensité élevée, et n’est pas significativement différente d’un groupe contrôle sans réadaptation.
Tableau : Effet sur les critères de jugements primaire et secondaires à 12 mois d’une réadaptation à domicile de faible intensité versus d’intensité élevée.
P value |
Comparatif intra-groupe (inclusion vs 12 mois) |
Comparatif inter-groupe |
||||
|
GL |
GH |
GC |
GL vs GH |
GL vs GC |
GH vs GC |
Test des 6 minutes (m) |
0.34 |
<.001 |
.10 |
<.001 |
.44 |
<.001 |
Distance au WIQ |
/ |
/ |
/ |
.81 |
.004 |
.006 |
Vitesse au WIQ |
/ |
/ |
/ |
.17 |
.003 |
<.001 |
Temps maximum de marche sur tapis |
/ |
/ |
/ |
.02 |
.61 |
.01 |
Score fonctionnel au SF36 |
/ |
/ |
/ |
.59 |
.60 |
.33 |