Certaines publications ont évoqué l’idée que l’usage de la cigarette électronique serait néfaste pour la lutte contre le tabagisme (1.2). Et, de ce fait, elle aurait une conséquence négative pour la santé publique. Dans cet article, les auteurs ont étudié dans une
population de fumeurs anglais l’impact de l’usage de la cigarette électronique sur l’initiation d’un sevrage tabagique, sur la réussite d’un sevrage tabagique en cours, sur l’utilisation des médicaments d’aide au sevrage tabagique, et sur l’accès aux consultations d’aide au sevrage tabagique.
La méthodologie utilisée est une analyse de série chronologique de modification comportementale d’un échantillon représentatif de la population des fumeurs anglais âgés de plus de 16 ans, entre 2006 et 2015. Les résultats de cette étude montrent que l’utilisation de la cigarette électronique n’a pas d’impact significatif sur l’initiation d’un sevrage tabagique. Elle n’a pas d’influence sur l’utilisation des substituts nicotiniques en automédication, ni sur les autres médicaments d’aide au sevrage tabagique (bupropion, varénicline). Elle ne modifie pas le taux d’accès aux consultations d’aide au sevrage tabagique.
Par contre, chez les fumeurs en cours de sevrage tabagique, l’utilisation de la cigarette électronique augmente le taux de réussite, avec une réduction de la consommation de substituts nicotiniques prescrits médicalement.
Dans cette étude, une augmentation de 1% de l’utilisation de la cigarette électronique chez les fumeurs en cours de sevrage, correspondrait à un taux de réussite de 0,058% (p < 0,001). Ceci équivaudrait en valeur absolue dans la population de fumeurs anglais, à environ 54288 réussites de sevrage en 2015 (3).
Bien que cette étude soit originale dans son approche, elle présente des limites, liées aux biais de la méthodologie, à la particularité de la politique publique de lutte contre le tabagisme et la réglementation sur la cigarette électronique au Royaume-Uni.
La question qu’on pourrait se poser à travers cet article est de savoir si la cigarette électronique peut être un outil d’aide au sevrage tabagique, et par conséquence
contribuer à améliorer la santé publique. La cigarette dite électronique est un appareil permettant de transformer un « e-liquide » en aérosol destiné à l’inhalation. En l’occurrence ici, un liquide contenant de la nicotine. C’est un nouveau produit qui cherche encore sa place dans la société de consommation. Est-ce une cigarette ? Est-ce un médicament ? Même si sous la pression du lobby du tabac, les dernières réglementations européennes en la matière ont tendance à la classer dans la catégorie des cigarettes, rien n’est encore joué. Selon sa classification finale, les législations en vigueur conditionneront son impact en termes de santé publique.
Dans l’état actuel des connaissances, plusieurs arguments plaident en sa faveur, notamment sa faible toxicité comparée à celle de la cigarette. Selon quelques rares études randomisées, la cigarette électronique contenant de la nicotine aide les fumeurs à arrêter de fumer ou à réduire leur tabagisme (4.5). Mais ces séries n’atteignent pas le seuil de signification statistique.
La communauté scientifique a besoin de moins de passion, et de plus de lumières, notamment par la réalisation d’études randomisées de meilleure qualité. L’étude ECSMOKE, initiée par la Société Francophone de Tabacologie, qui est une étude multicentrique randomisée comparant la cigarette électronique avec nicotine et sans nicotine, nous apportera peut-être des réponses plus claires.
Références
1. Kalkhoran S, Glantz SA. E-cigarettes and smoking cessation in real-world and clinical settings: a systematic review and meta-analysis. Lancet Respir Med. 2016 ; 4 :116-28.
2. Popova L, Ling PM. Alternative tobacco product use and smoking cessation : a national study. Am J Public Health. 2013 ; 103 :923-30.
3. West R, Shahab L, Brown J. Estimating the population impact of e-cigarettes on smoking cessation in England. Addiction. 2016 ; 111 :1118-9.
4. McRobbie H, Bullen C, Hartmann-Boyce J, Hajek P. Electronic cigarettes for smoking cessation and reduction. Cochrane Database Syst Rev 2014;(12).
5. Bernstein SL. «More light, less heat needed». « Paucity of high-quality studies, including randomised trials.» needed high-quality, large-scale randomised trials assessing e-cigarettes”. Editorial Lancet Resp. Med. Jan.14, 2016.