INTRODUCTION
Devant une suspicion d’embolie pulmonaire (EP), le dosage des D-Dimères est une étape importante pouvant permettre d’écarter le diagnostic en dessous de 500 µg/L, chez des patients à probabilité clinique faible ou intermédiaire. Chez les sujets âgés, le niveau des D-Dimères tend à augmenter, ce qui réduit la pertinence de ce test dans cette population, les D-Dimères n’étant inférieur à 500 ng/ml que chez 5 % des sujets âgés de plus de 80 ans avec suspicion d’embolie pulmonaire [1]. Des études rétrospectives ont montré que l’utilisation d’un seuil adapté à l’âge permettait d’augmenter la proportion de patients pour lesquels l’EP peut être écartée, sans augmenter le nombre de faux négatifs [2].
Les auteurs de cet article ont mené une étude prospective multicentrique, testant le seuil des D-Dimères ajusté à l’âge chez des patients suspects d’EP avec une probabilité clinique faible ou intermédiaire, afin de conforter leur utilisation en pratique clinique.
METHODOLOGIE
Les critères d’inclusion étaient les patients ambulatoires admis aux urgences avec suspicion d’EP. Les critères d’exclusion comprenaient les patients recevant un traitement anticoagulant pour une autre indication, une clairance de la créatinine < 30 ml/min selon la formule de Cockroft-Gault, une allergie aux produits de contraste, une grossesse en cours ou encore une espérance de vie < 3 mois.
La probabilité clinique était définie par le score de Genève révisé ou le score de Wells. Le dosage des D-Dimères était réalisé chez les patients ayant une probabilité clinique faible ou intermédiaire, et interprété comme suit : chez les patients de moins de 50 ans, la négativité était retenue en dessous de 500 ng/ml ; chez les patients de plus de 50 ans, le test était considéré négatif si la valeur des D-Dimères était inférieure à l’âge multiplié par 10 (exemple : patient de 75 ans, seuil à 750 ng/ml). Aucun autre examen n’était réalisé chez les patients avec D-Dimères négatifs, et aucun traitement anticoagulant n’était prescrit.
Le critère principal d’évaluation était le taux d’échec de la stratégie diagnostique, défini par la survenue lors des 3 mois du suivi d’un évènement thrombo-embolique veineux adjudiqué chez les patients à D-Dimères négatifs.
RESULTATS
3324 patients (56,8% de femmes) ont été inclus entre Janvier 2010 et Février 2013, avec un diagnostic d’EP retenu dans 19% des cas. L’âge médian était de 63 ans. 766 patients étaient âgés de 75 ans ou plus. 2898 patients ayant une probabilité clinique faible ou intermédiaire (87% de la population de l’étude) ont eu un dosage des D-dimères, s’avérant négatif chez 1154 d’entre eux (39,8%) selon le seuil ajusté à l’âge : 817 patients (28,2%) avaient un taux < 500 ng/ml et 337 patients (11,6%) avaient un taux entre 500 ng/ml et le seuil ajusté à l’âge.
Le suivi à 3 mois montrait la survenue d’un cas d’EP non fatale parmi les 810 patients (7 patients exclus secondairement) ayant un taux de D-dimères inférieur à 500 ng/ml (0,1%), et d’un autre cas d’EP parmi les 331 patients (6 patients exclus secondairement) ayant un taux de D-dimères entre 500 ng/ml et le seuil adapté à l’âge (0,3%). Aucun décès lié à un évènement thrombo-embolique n’était retenu.
Chez les 1539 patients avec D-Dimères positifs pour lesquels le diagnostic d’EP n’avait pas été retenu, 7 évènements thrombo-emboliques ont été retenus à 3 mois, soit 0,5 %.
Parmi les 766 patients âgés de 75 ans ou plus, 673 avaient une probabilité clinique faible ou intermédiaire. 200 patients avaient des D-Dimères négatifs : ils étaient inférieurs à 500 ng/ml chez 43 patients (43/673 = 6,4%), et entre 500 ng/ml et le seuil ajusté à l’âge chez 157 patients (157/673 = 23,3%). Aucun évènement thrombo-embolique à 3 mois n’était noté chez ces 200 patients.
DISCUSSION
Cette étude prospective renforce l’intérêt d’interpréter le taux de D-Dimères en tenant compte de l’âge chez les sujets ayant une suspicion d’EP avec probabilité faible ou intermédiaire. Chez les patients de plus de 75 ans, la proportion de patients ayant des D-Dimères négatifs passe ainsi de 6,4 à 29,7% dans l’étude. Cette stratégie diagnostique n’entraînent pas de faux négatifs supplémentaires, le taux d’évènement thrombo-embolique à 3 mois étant similaire à celui des patients à D-Dimères inférieur à 500 ng/ml ou à celui des patients à angiographie pulmonaire négative. Cet intérêt chez les sujets âgés est important en pratique clinique en raison de l’altération fréquente de la fonction rénale pouvant limiter l’utilisation de produit de contraste. La possibilité d’exclure rapidement le diagnostic d’EP peut aussi faire espérer une diminution du temps de séjour aux urgences et limiter l’utilisation de traitement anticoagulant.
CONCLUSION
Les résultats de cette étude redonnent une place à l’utilisation des D-Dimères chez les sujets âgés en prenant un seuil adapté à l’âge (âge x 10), ce qui laisse espérer une amélioration de la qualité des soins et du rapport coût/efficacité qui reste toutefois à démontrer.
Références
[1] Righini M, Nendaz M, Le Gal G, Bounameaux H, Perrier A. Influence of age on the cost-effectiveness of diagnostic strategies for suspected pulmonary embolism. J Thromb Haemost 2007; 5:1869-1877.
[2] Douma RA, Le Gal G, Söhne M et al. Potential of an age adjusted D-dimer cut-off value to improve the exclusion of pulmonary embolism in older patients: a retrospective analysis of 3 large cohorts. BMJ 2010; 340: c1475.