Titre original : 
Effect of Anticoagulant Therapy for 6 Weeks vs 3 Months on Recurrence and Bleeding Events in Patients Younger Than 21 Years of Age With Provoked Venous Thromboembolism: The Kids-DOTT Randomized Clinical Trial.
Titre en français : 
Comparaison d'une durée d'anticoagulation de 6 semaines versus 3 mois lors d'un premier événement thrombo-embolique provoqué en pédiatrie. L’étude randomisée contrôlée Kids-DOTT.
Auteurs : 
Goldenberg NA, Kittelson JM, Abshire TC, Bonaca M, Casella JF, Dale RA, Halperin JL, Hamblin F, Kessler CM, Manco-Johnson MJ, Sidonio RF, Spyropoulos AC, Steg PG, Turpie AGG, Schulman S; Kids-DOTT Trial Investigators and the ATLAS Group.
Revue : 
JAMA. 2022 Jan 11;327(2):129-137.

Traductions & commentaires : 
Hélène DESMURS-CLAVEL (helene.desmurs-clavel@chu-lyon.fr)



Les auteurs rapportent les résultats d’une étude multicentrique internationale ayant pour objectif la non infériorité d’unedurée de traitement de 6 semaines en comparaison à la durée recommandée de 3 mois en population pédiatrique pour un premier événement thrombotique provoqué.

L’objectif principal est un critère composite de bénéfice clinique net combinant le risque de récidive et le risque de saignement cliniquement significatif.

Les critères d’inclusion étaient un événement thrombotique veineux (membres inférieurs, membres supérieurs, thrombose veineuse cérébrale (TVC) ou thrombose de site inhabituel avec ou sans embolie pulmonaire (EP)), provoqué (hospitalisation, traumatisme ou chirurgie dans le mois précédent, affection médicale aiguë, voie veineuse centrale….), traité par un traitement anticoagulant (molécules au choix de l’investigateur) en population pédiatrique.

L’inclusion s’effectuait à 6 semaines de traitement lorsque le contrôle radiologique montrait un flux veineux circulant (résolution totale ou partielle du thrombus).

Les critères d’exclusion comportaient les événements non provoqués, l’embolie pulmonaire (EP) isolée, le cancer, les maladies inflammatoires, les thrombophilies génétiques (déficit en protéine C, protéine S et antithrombine), le syndrome des antiphospholipides, les antécédents de maladie thromboembolique et à 6 semaines le caractère obstructif complet du thrombus.

Le système de randomisation comportait une stratification par tranche d’âge (moins de 30 jours, de 30 jours à 13 ans, de 13 à 21 ans) et une répartition par site de thrombose (membres inférieurs, membres supérieurs, localisations inhabituelles)

RESULTATS

L’étude a inclus 417 patients (207 dans le groupe de durée 6 semaines et 210 dans le groupe 3 mois) avec analyse finale sur 297 patients (respectivement 154 et 143 patients) dans 42 centres répartis dans 5 pays (Australie, Autriche, Canada, Etats Unis et Pays bas). La durée d’inclusion est de 11 ans (novembre 2008 à décembre 2021) avec un suivi de 2 ans de chaque patient.

Les deux groupes sont comparables avec un âge médian de 8.5 ans. En effet, environ 62 % des patients avaient entre 1 mois et 13 ans, 34% entre 13 et 21 ans et seuls 4% moins de 30 jours.

On note dans le groupe 6 semaines 56.5% de garçons contre 46.9% dans le groupe 3 mois sur la population analysable. 

La localisation est d’environ 46 % les membres inférieurs, 32% les membres supérieurs, 12% de TVC et 10 % un autre site.

Les circonstances provocantes sont une voie veineuse centrale dans 41% des cas, une infection dans 25%, un traumatisme ou une chirurgie dans 15%.

Plus de 80% des patients ont reçu un traitement par HBPM pendant toute la durée du traitement.

La récidive observée pour chaque catégorie d’âge est de 0.7% par an avec un risque de saignement cliniquement significatif de 0.7% par an ;

Ce résultat permet de montrer la non infériorité d’une durée de traitement de 6 semaines par rapport à une durée de 3 mois.

DISCUSSION

Les auteurs soulignent eux-mêmes certaines limites de leur étude. Les critères d’exclusion comportaient l’embolie pulmonaire isolée et le cancer, excluant de ce fait un certain nombre de thrombose post chirurgie ou sur VVC.

Le traitement essentiellement basé sur les HBPM et la longueur de la durée d’inclusion (11 ans) peuvent rendre moins pertinentes les modifications de pratique attendues.

Cependant, les résultats sur le critère principal sont proches de ceux obtenus avec les études Einstein junior (500 enfants avec 89 % d’événements provoqués traités par rivaroxaban vs traitement standard) et Diversity (dabigatran vs traitement standard chez 267 enfants avec 77% d’événements provoqués)

COMMENTAIRES

Les études en pédiatrie sont rares et de ce fait méritent d’être connues, car elles illustrent la spécificité de la MTEV chez l’enfant où 90% des événements sont provoqués, avec une part importante de la iatrogénie (VVC) et donc la localisation au membre supérieur.

Le rôle de l’infection (25%) et la part importante des TVC et thromboses d’autres sites (22 %) est également à souligner.

Bien que cette étude ait essentiellement comporté un traitement par HBPM, au vu des résultats similaires de récidives et d’hémorragie sous rivaroxaban ou dabigatran chez l’enfant, cette possibilité de diminuer la durée de traitement dans les événements provoqués comme défini, peut être, je pense, appliqué.

Le choix d’exclure les patients avec un thrombus obstructif total à 6 semaines n’est pas commenté par les auteurs. Font-ils référence à ce débat ancien tenant compte des séquelles dans la durée de traitement avec un risque de récidive augmentée ? (non prouvé). Cet aspect n’apparait absolument pas dans les recommandations de durée de traitement chez l’adulte actuellement.