Introduction
Le diagnostic d’une TVP surale isolée (TVSI) est une situation clinique fréquente en médecine vasculaire. La prise en charge thérapeutique et diagnostique en est cependant moins bien codifiée que pour les TVP proximales du fait de la pauvreté de la littérature les concernant et du faible nombre d’études dédiées (ref 1). Le registre RIETE est une grande base mondiale de cas de MTE. Les auteurs de l’article ont interrogé cette base sur le devenir des patients avec TVSI en termes de progression de la MTE, de mortalité et de saignement majeur à un an ceci comparé avec les TVP proximales isolées (TVPI).
Méthodologie
Le registre RIETE est un registre prospectif mondial de cas de MTE suivis pour au moins trois mois. Les auteurs ont comparé sur une période de 20 ans les patients avec TVSI à ceux avec une thrombose veineuse profonde proximale isolée ,c'est-à-dire patients symptomatiques sans embolie pulmonaire. Le devenir des patients a été étudié en termes de dégradation thrombotique (EP ou extension vers TVP proximale), de saignement majeur, de syndrome post thrombotique (basé sur le score de Villalta), de mortalité toute cause et liée à l’EP à 30 et 90 jours suivant le diagnostic.
Résultats
33897 patients avec thrombose veineuse isolée ont été identifié dont 17.5% avec TVSI. L’âge (49.9 ans), le sexe ratio (50.1% d’hommes) et le BMI (27.6) n’étaient pas significativement différents des patients avec TVPI. Les thromboses étaient symptomatiques avec 90.6 % de douleur (vs 87.8) et 86% de gonflement de jambe (vs 94.7).
En terme d’ATCD, les patients avec TVSI avaient moins fréquemment des ATCD de maladie pulmonaire chronique (6.9% vs 8.7%), d’AVC (4.2% vs 5.9%), de MTE (14.2 %vs 18.8%) ou de cancer (12.2 %vs 16.8%). Ils avaient en revanche plus d’ATCD de chirurgie récente (15.6% vs 9.2%) ou de traitement hormonal substitutif (13.5% vs 9.7%).
Au diagnostic, 99.8% des patients recevaient un traitement anticoagulant et à trois mois 90.9% des patients étaient encore décoagulés (vs 97% pour les TVPI). A 6 mois et à un an, il y avait encore 69.1% et 49% de patients traités (Vs 83.4% et 64.2%).
La mortalité des patients avec TVSI était plus faible à 1 et 3 mois (1.1 % vs 2.8 %, OR après analyse multivariée de 0.71 à 1 mois, 2.9% vs 6 % et OR de 0.65 à 3 mois).
En termes de saignements majeurs, ceux-ci étaient moins fréquents chez les patients avec TVSI (0.6% vs 1.2% et OR 0.60 à 1 mois et 0.64 à 3 mois).
A un an, le taux de récidive de MTE (TVP et/ou EP) était de 6.8 % chez les patients avec TVSI et de 6.8% chez ceux avec TVPI 5HR 0.83). La mortalité était également moindre (HR 0.72). Le risque de saignement majeur n’était pas significativement différent en analyse multivariée. En ce qui concerne le syndrome post thrombotique (données disponibles sur 2133 patients seulement), les signes en étaient moins fréquents en cas de TVSI (36 % vs 62.5% à deux ans, HR 0.34).
99.8% des patients avec TVSI ont reçu une anticoagulation.47 patients n’en ont pas reçu. Ces patients avaient des ATCD plus fréquents de saignement majeur (11% vs 1.7%). Le taux de mortalité à 3 mois était de 4.25% et le taux de dégradation thrombotique de 4.25%. Ces résultats n’étaient pas significativement différents des patients décoagulés.
Sur les 33 897 patients avec TVSI survivant à trois mois, 1067 patients avec TVSI et 3486 avec TVPI ont arrêté l’anticoagulation entre 3 et 6 mois. Parmi ces patients, ceux avec TVSI avaient une mortalité toute cause et une progression thrombotique moins importante (HR 0.26 et 0.38) à un et deux ans. Les symptômes ou signes de syndrome post thrombotique étaient moins fréquents chez les patients avec TVSI que chez ceux avec TVPI (47.6 vs 60.5%).
Discussion
Cette étude apporte des informations importantes sur une entité fréquente en pratique mais peu étudiée dans les grandes études thérapeutiques et pour laquelle les données épidémiologiques font défaut. Les événements principaux (mortalité toutes causes, dégradation thrombotique et saignements majeurs) étaient moins fréquents chez les patients avec TVSI comparés à ceux avec TVPI de même que le syndrome post thrombotique.
Les auteurs insistent sur le fait que ces différences en pronostic pourraient venir de deux facteurs distincts : un terrain différent (comorbidités moindres chez les patients avec TVSI à mettre en relation avec une mortalité moindre) et/ou une charge thrombotique moins importante (à mettre en relation avec une dégradation thrombotique moins importante ou un syndrome post thrombotique plus rare). Les résultats de cette étude sont également bien corrélés avec les grandes études de registre en vie réelle Garfield-VTE, Xalia et Optimev.
Les limites de l’étude sont représentées par des données moins recueillis dans RIETE après trois mois de suivi, un petit nombre de patients interrogés sur le syndrome post thrombotique et une non-différenciation des sous types de TVSI à savoir troncs collecteurs ou thromboses musculaires.
Conclusion :
Les enseignements de cette étude sont que les TVSI concernent une population similaire en âge et sexe avec celle des TVPI, avec plutôt moins de comorbidités (Pathologie pulmonaire chronique, AVC, cancer) et plutôt plus de facteurs favorisants (chirurgie, COP).
Ces patients sont autant décoagulés que les autres, présentent moins d’accidents hémorragiques majeurs (du moins à trois mois, importance du terrain vraisemblablement) ainsi qu’une progression de la MTE et une mortalité globale ou par EP moindre à 3 mois et à un an.
Ref :
Unresolved questions on venous thromboembolic disease. Consensus statement of the French Society for Vascular Medicine (SFMV).
Quéré I, Elias A, Maufus M, Elias M, Sevestre MA, Galanaud JP, Bosson JL, Bura-Rivière A, Jurus C, Lacroix P, Zuily S, Diard A, Wahl D, Bertoletti L, Brisot D, Frappe P, Gillet JL, Ouvry P, Pernod G.
J Med Vasc. 2019 Feb;44(1):28-70