Prévalence du syndrome des anticorps antiphospholipides chez des patients âgés de 18 à 50 ans présentant un 1er évènement thrombo-embolique veineux non provoqué.

Titre original : 
Prevalence of confirmed antiphospholipid syndrome in 18-50 years unselected patients with first unprovoked venous thromboembolism.
Titre en français : 
Prévalence du syndrome des anticorps antiphospholipides chez des patients âgés de 18 à 50 ans présentant un 1er évènement thrombo-embolique veineux non provoqué.
Auteurs : 
Miranda S, Park J, Le Gal G, Piran S, Kherani S, Rodger MA, Delluc A.
Revue : 
J Thromb Haemost. 2019 Dec 23.

Traductions & commentaires : 
Virginie DUFROST



Cet article rapporte les résultats d’une étude transversale canadienne analysant la prévalence du syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) chez des patients âgés de 18 à 50 ans présentant un premier épisode de thrombose veineuse proximale non provoquée.

INTRODUCTION

Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est une thrombophilie acquise rare caractérisée par l’association de manifestations cliniques (antécédents thrombotiques, veineux, artériel et/ou microcirculatoire, et/ou la présence d’évènements obstétricaux), à la positivité d’anticorps antiphospholipides (aPL). La prévalence du SAPL chez les patients présentant une maladie thromboembolique veineuse (MTEV) n’est pas formellement établie. Une méta-analyse conduite en 2013 l’estimait à 9.5% toutefois les études incluses dans cette méta-analyse étaient de qualité inégale (1). Le diagnostic de SAPL peut conduire à une modification des pratiques en cas de thrombose veineuse, notamment concernant l’anticoagulation puisque les anticoagulants oraux directs (AOD) ne sont pas recommandés chez les patients présentant une positivité des trois tests antiphospholipides.

METHODES

Il s’agit d’une étude rétrospective conduite dans l’unité thrombose de l’hôpital d’Ottawa à l’aide d’une extraction de données d’un programme informatique assisté de gestion des traitements anticoagulants oraux. L’extraction de données a été réalisée sur l’ensemble des patients âgés de 18 à 50 ans, vus consécutivement dans l’unité entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2011 (avant l’utilisation des AOD potentiellement responsables de faux positif du lupus anticoagulant) pour un 1er épisode thromboembolique veineux (ETV) non provoqué (TVP proximale ou EP). Un évènement non provoqué était défini par l’absence de néoplasie active, de chirurgie, traumatisme, immobilisation ou grossesse dans les 3 mois précédents le diagnostic de l’ETV. Chez ces patients, la recherche en routine des aPL était réalisée à la discrétion du praticien. La présence d’un aPL était défini par la présence d’un lupus anticoagulant (LA) déterminé sur les tests temps de thromboplastine partiel activé (APTT) et confirmé sur test venin de vipère dilué Russel (dRVVT) et/ou d’un anticardiolipine (aCL) IgG et/ou IgM > 99ème percentile de l’ELISA Inova Quanta Lite et/ou d’un anti-Bêta2 glycoprotéine I (aβ2GPI) IgG ou IgM > 99ème percentile de l’ELISA Biorad. Le SAPL était défini selon les critères révisés de Sapporo par la présence d’un évènement thrombotique veineux (pour cette étude) et de la présence d’un LA, aCL et/ou anti-β2GPI à au moins 2 reprises à 12 semaines d’intervalle (2).

RESULTATS

Durant la période de l’étude, 3902 patients ont été identifiés dans la base de données. Parmi eux, 491/524 (94%) patients avec un ETV non provoqué avaient bénéficié d’un screening des aPL. Quarante-quatre patients remplissaient les critères révisés de Sapporo, ce qui correspond à une prévalence de 9% [IC 95% 6.7-11.8]. Parmi eux, 26 (59%) avaient un seul test positif (5 LA, 15 aCL et 6 aβ2GPI), 11 (25%) avait deux tests positifs (4 LA + aCL, 1 LA + aβ2GPI, 6 aCL + aβ2GPI) et 7 (16%) patients présentaient une positivité des 3 tests antiphospholipides soit 1.4% [IC 95 0.7-2.9] de la population testée.

Sur les 222 femmes âgées de 18 à 50 ans ayant présentées un ETV, 116 (52%) étaient sous contraception orale œstroprogestative (COP) au diagnostic. Parmi elles, 8 (7%) avaient un SAPL par rapport à  18/116 (17%) qui n’étaient pas sous COP au moment du diagnostic (p=0.02).

Parmi les 44 patients avec SAPL, 10 (23%) avaient une maladie auto-immune connue : 6 lupus érythémateux systémiques, 2 Gougerot-Sjögren, 1 uvéite, et 4 purpuras thrombopénique auto-immuns. Trois patients (7%) avaient également un antécédent d’évènement thrombotique artériel.

CONCLUSION

Dans cette étude, la prévalence du SAPL est de 9% chez les patients âgés de 18 à 50 ans ayant présenté un ETV non provoqué proximal ce qui est concordant avec deux essais contrôlés randomisés.

COMMENTAIRES

La prévalence du SAPL semble élevée dans cette étude mais elle est concordante avec une autre étude récente dans laquelle la prévalence était estimée à 9% (3). Il s’agit d’un recrutement hospitalier de MTEV ce qui pourrait faire surestimer cette prévalence, même si une grande partie des patients atteints d’ETV de la région d’Ottawa est suivie par ce service.  La prévalence de la positivité des aPL était évaluée à 7% chez les patientes ayant présenté un ETV dans un contexte de COP. 

Pour la détection des aPL, le seuil retenu pour la positivité de l’aCL > 99ème percentile est plus faible qu’un seuil à 40 unités GPL ou MPL proposé aussi par les critères de Sydney, ce qui peut augmenter la prévalence. Toutefois, cela suit les recommandations de l’ISTH (4) et la recherche d’aPL était laissée à la discrétion des praticiens ; elle a été réalisée chez 93.7% des patients. Tous les patients de la tranche d’âge concernée n’ont pas été testés, les tests ne semblent pas avoir été réalisés chez des patients avec une faible probabilité de SAPL, ce qui peut également conduire à surestimer légèrement la prévalence du SAPL. Enfin, la période d’analyse (2002-2011) a été choisie avant la généralisation de l’utilisation des AOD, afin d’éviter une surestimation de la positivité du LA du fait d’un potentiel faux positif de ce dernier sous AOD.

Cette étude apporte des arguments supplémentaires en faveur d’un dépistage orienté des aPL chez les patients de moins de 50 ans présentant un ETV proximal non provoqué ou avec facteurs favorisants  tels que la COP ou un voyage.

Références

1.         Andreoli L, Chighizola CB, Banzato A, Pons-Estel GJ, Ramire de Jesus G, Erkan D. Estimated frequency of antiphospholipid antibodies in patients with pregnancy morbidity, stroke, myocardial infarction, and deep vein thrombosis: a critical review of the literature. Arthritis Care Res. 2013 Nov;65(11):1869–73.

2.         Devignes J, Smaïl-Tabbone M, Hervé A, Cagninacci G, Devignes M-D, Lecompte T, et al. Extended persistence of antiphospholipid antibodies beyond the 12-week time interval: Association with baseline antiphospholipid antibodies titres. Int J Lab Hematol. 2019 Dec;41(6):726–30.

3.         Kearon C, Parpia S, Spencer FA, Baglin T, Stevens SM, Bauer KA, et al. Antiphospholipid antibodies and recurrent thrombosis after a first unprovoked venous thromboembolism. Blood. 2018 10;131(19):2151–60.

4.         Devreese KMJ, Ortel TL, Pengo V, de Laat B, Subcommittee on Lupus Anticoagulant/Antiphospholipid Antibodies. Laboratory criteria for antiphospholipid syndrome: communication from the SSC of the ISTH. J Thromb Haemost JTH. 2018;16(4):809–13.