Les événements vasculaires cardiaques (infarctus du myocarde, IDM) et cérébraux (AVC) restent la principale cause mondiale de décès et d'invalidité. La plupart de ces événements se produisent chez des personnes âgées exemptes de maladie vasculaire symptomatique antérieure. Le groupe des personnes âgées sans antécédents cardiovasculaires est à moindre risque que ceux déjà victimes d’une complication cardiovasculaire. Cependant, ils sont plus nombreux ce qui augmente naturellement le nombre absolu d’évènements susceptibles de survenir chez ces patients.
Parmi les stratégies thérapeutiques visant à réduire le risque cardiovasculaire figurent en bonne place les statines. Jusqu’à 75 ans, il a été démontré que l’utilisation des statines réduisait le risque cardiovasculaire notamment en prévention secondaire. L’utilisation des statines est ainsi recommandée dans la prise en charge du malade athéroscléreux à haut risque ou à très haut risque cardiovasculaire (risque à 10 ans > 10% selon l’échelle SCORE). Toute réduction de 0.04g/L de LDL cholestérol réduit les événements vasculaires majeurs de 20% chez des patients âgés de 65 ans en moyenne et d’autant mieux que le patient est porteur d’antécédents cardiovasculaires. Si les preuves apparaissent solides chez l’adulte d’âge mur, elles sont parcellaires chez les sujet plus âgés (>75 ans), chez lesquels la balance bénéfice/risque d’une thérapeutique hypocholestérolémiante est plus difficile à établir.
Dans une cohorte française de 7484 adultes âgés de plus de 65 ans (âge moyen 74 ans), sans antécédent cardiovasculaire reconnu, Alpérovitch et collaborateurs montrent que l'utilisation des statines et des fibrates a été associée à une réduction d’un tiers des évènements cardiovasculaires (HR 0,66, 95% IC [0,49-0,90]. La méthodologie était basée sur l’étude d’une cohorte prospective comparant les utilisateurs d’hypolipémiants aux non-utilisateurs, cohorte suivie 9 ans. Une réduction similaire du risque d’AVC ischémique (HR 0,63, 95% IC [0,45-0,84]) et d'AVC hémorragique (HR 0,72, 95% IC [0,37-1,42]) étaient retrouvée dans les groupes de patients traités et cette réduction était comparable entre les fibrates et les statines. Cependant, aucune association n’était retrouvée entre l'utilisation globale des médicaments hypolipémiants et la survenue d’une coronaropathie (HR 1,12, 95% IC [0,90- 1,40].
Le constat un peu surprenant d’une plus grande réduction du risque d’AVC comparativement à celui de la pathologie coronarienne pourrait être expliqué en partie par le grand intervalle de confiance de la réduction du risque pour les coronaropathies, réduction du risque incluant la valeur de 1. Cependant, dans ce travail, d’autres facteurs confondants sont à discuter tel le biais d’indication. Ainsi les patients chez lesquels les hypolipémiants ont été prescrits sont à plus haut risque cardiovasculaire que les non-utilisateurs. Pour preuve, dans cette étude, la prescription d’antihypertenseurs ou d’anti-thrombotiques n’était pas associée à une baisse du risque d’AVC.
Il s’agit en définitive du premier travail de grande envergure chez la personne plus âgée montrant une relation entre la baisse du cholestérol et la réduction du risque d’AVC. Quelle en sera l’implication pour les cliniciens ? Dans l’état actuel des preuves, la décision de débuter une statine en prévention primaire chez des personnes de plus de 75 ans reste fondée sur le jugement clinique, après estimation du risque individuel en pesant les avantages et inconvénients de la prescription de cette classe médicamenteuse particulière.