Thromboprophylaxie personnalisée avec utilisation d’un score de risque pour la gestion des grossesses à haut risque de thrombose : étude clinique prospective.

Titre original : 
Personalized thromboprophylaxis using a risk score for the management of pregnancies with high risk of thrombosis: a prospective clinical study.
Titre en français : 
Thromboprophylaxie personnalisée avec utilisation d’un score de risque pour la gestion des grossesses à haut risque de thrombose : étude clinique prospective.
Auteurs : 
Dargaud Y, Rugeri L, Fleury C, Battie C, Gaucherand P, Huissoud C, Rudigoz RC, Desmurs-Clavel H, Ninet J, Trzeciak MC.
Revue : 
J Thromb Haemost. 2017 May;15(5):897-906.

Traductions & commentaires : 
Jacqueline CONARD



La prévention des thromboses veineuses et embolies pulmonaires pendant la grossesse et le post-partum est une question qui se pose fréquemment chez les femmes ayant des antécédents personnels de thrombose et/ou des facteurs de risque (thrombophilies biologiques, âge supérieur à 35 ans, immobilisation, etc…). Différentes recommandations sont disponibles : françaises publiées en 2003 et 2005, américaines de l’ACCP en 2012, canadiennes en 2014, britanniques en 2015, et de l’Anticoagulation Forum en 2016,  et des recommandations spécifiques de la Fécondation in vitro approuvées par la HAS/Agence de biomédecine ont été publiées en 2013. Toutes ces recommandations sont dans l’ensemble de faible niveau d’évidence et pour le clinicien, il est souvent difficile de choisir la meilleure prévention pour une patiente donnée. C’est pourquoi, un score peut être très utile en pratique courante à condition d’avoir été validé par une étude appropriée.

Le score de Yesim Dargaud, appelé maintenant score de Lyon, a été élaboré à partir de l’expérience clinique d’un groupe de médecins souvent confrontés à ce type de décision. Il a été publié pour la première fois en 2005 L’étude publiée en 2017 est prospective et porte sur 467 patientes dont 22 ont été perdues de vue. Les résultats de 445 patientes suivies de 2005 à 2015 ont donc été analysés.

Les patientes enceintes inclues dans l’étude étaient à risque de thrombose en raison d’antécédent personnel de MTEV (62.7%), de thrombophilie héréditaire (déficit en protéine C ou protéine S, mutation Facteur V Leiden ou Facteur G20210A) (67.2%), ou de thrombophilie biologique avec antécédent personnel de thrombose veineuse (29.4%). Ont été exclues de l’étude les femmes ayant un risque très élevé de thrombose nécessitant un traitement anticoagulant à dose curative pendant toute la grossesse : patientes sous traitement anticoagulant au long cours, ou ayant un déficit en antithrombine ou un syndrome des antiphospholipides, ainsi que les femmes ayant des antécédents de thrombose veineuse superficielle, ou des complications de la grossesse sans thrombose (pré-éclampsie, HELPP syndrome, retard de croissance intra-utérin, fausse-couche, etc…). 

La prévention par HBPM a été définie en fonction des résultats du score : < 3 : prévention post-partum pendant 6 semaines, 3 à 5 : prévention 3e trimestre et post-partum, ≥ 6 : prévention pendant toute la grossesse et post-partum. Les facteurs de risque retenus comportaient les antécédents personnels de thrombose et leurs circonstances de survenue, les thrombophilies biologiques, les antécédents familiaux en l’absence de thrombophilie biologique et des facteurs de risque transitoires. Une notion importante : le score était revu en cours de grossesse, ce qui a modifié la prévention du groupe avec score <3 à un score 3-5 dans certains cas. D’autre part la durée de la prévention en post-partum de 6 semaines était de 8 semaines en cas de césarienne.                                               

Les résultats montrent sur 10 ans : 2 cas de thrombose veineuse pendant la grossesse (0.37%), 4 cas post-partum (0.73%), dont certains auraient pu être évités, et aucun cas d’embolie pulmonaire. Les saignements ont été observés dans 0.37% des cas et aucun n’a nécessité de transfusion ou d’acte chirurgical. Les résultats de l’efficacité et de la tolérance sont considérés comme satisfaisants.

Au total, d’autres scores avaient été publiés mais le score de Lyon est le seul qui ait été validé dans une étude prospective comportant un nombre important de patientes. Il devrait être particulièrement utile en pratique courante pour la plupart des médecins et en particulier pour les gynécologues, internistes, médecins vasculaires, hématologues, anesthésistes. Des études complémentaires devraient permettre à l’avenir de définir plus précisément la durée de la prévention du post-partum car la durée de 6 semaines est conseillée dans la grande majorité des cas mais une durée de 8 à 12 semaines peut être préférée en cas d’antécédent personnel sévère ou récent, en cas de séquelles importantes ou après césarienne. D’autre part, la prévention des femmes enceintes à très haut risque, qui n’étaient pas inclues dans cette étude, pourrait être affinée : prévention en cas de déficit quantitatif ou qualitatif en antithrombine sans antécédent personnel de thrombose et posologie de la prévention en cas de traitement anticoagulant oral au long cours.