Chers amis, nous poursuivons l’année par une newsletter sur l’insuffisance veineuse superficielle.
L'insuffisance veineuse est la cause la plus fréquente d'ulcères des membres inférieurs. Bien que la compression veineuse améliore la cicatrisation des ulcères, elle ne permet pas de traiter la cause d'hyperpression veineuse.
Trois études avaient retenu notre attention sur ce thème : l’étude EVRA a été analysée par Gilles Miserey dans le numéro 44 de la LMV ; voici l’analyse de l’étude de Brittenden et al. publiée en 2019 dans le New England Journal of Medicine, ainsi que celle de l’étude d’Epstein et al publiée en 2019 dans le British Journal of Surgery.
Five-Year Outcomes of a Randomized Trial of Treatments for Varicose Veins.
Brittenden J, Cooper D, Dimitrova M, et al. N Engl J Med. 2019;381(10):912–922.
doi:10.1056/NEJMoa1805186
https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1805186
INTRODUCTION
Le traitement de l'insuffisance veineuse superficielle peut faire appel à différents types d'interventions qui ont été évaluées séparément. L'essai Comparison of Laser, Surgery and Foam Slcerothérapy (CLASS) est un essai multicentrique randomisé qui cherche à mesurer leur efficacité à long terme en évaluant la qualité de vie et le rapport coût-bénéfice de ces interventions à 6 mois et 5 ans. Cette publication détaille les résultats à 5 ans.
MATERIEL ET METHODES
Il s'agit d'un essai randomisé multicentrique conduit en ouvert, avec 3 groupes d'intervention : laser endoveineux, chirurgie ou écho-sclérose à la mousse. Les patients étaient recrutés parmi 11 centres de chirurgie vasculaire au Royaume-Uni entre Novembre 2008 et Octobre 2012. Ils devaient présenter une insuffisance superficielle symptomatique avec un reflux de la petite ou de la grande veine saphène, significatif à l'écho-Doppler (veine de diamètre de plus de 3 mm et reflux supérieur à 1 seconde). Le membre inférieur le plus symptomatique était utilisé pour l'analyse. Une thrombose veineuse profonde ou superficielle représentait un critère d'exclusion.
L'analyse était stratifiée par centre, âge (inférieur ou supérieur à 50 ans), veine refluante, caractère uni ou bilatéral du reflux. Le traitement laser endoveineux était effectué sous anesthésie locale, le traitement chirurgical sous anesthésie générale en ambulatoire.
Le critère de jugement principal à 5 ans était le score de qualité de vie combiné avec les autoquestionnaires Aberdeen Varicose Vein Questionnaire (AVVQ) (un score bas indiquant une meilleure qualité de vie), Euro-Qol (EQ-5D) et le SF-36. L'analyse coût-efficacité était réalisée selon le coût par année de vie gagnée en bonne santé (QALY).
Les critères de jugement secondaires étaient :
- Le score de qualité de vie EQ-5D sous forme d'échelle visuelle analogique ;
- Les différents domaines du score SF36;
- Le rapport coût-efficacité individuel ;
- Le succès clinique mesuré par le patient et une infirmière de l'essai clinique à l'aide d'une échelle visuelle analogique et du score Venous Clinical Severity Score ;
- Les procédures additionnelles nécessaires ;
- La volonté du patient à répéter et recommander à un autre le traitement reçu.
RESULTATS
Sept cent quatre-vingt-dix-huit patients ont été inclus dont 595 (75%) ont complété le suivi et les questionnaires à 5 ans.
Critère principal de jugement : La qualité de vie était améliorée dans les trois groupes. Le questionnaire AVVQ était significativement inférieur dans les groupes laser endoveineux et chirurgie par rapport au groupe écho-sclérose mousse. Laser versus (vs.) écho-sclérose à la mousse – 2,86 IC95% [– 4,49; – 1,22] p<0,001. Chirurgie vs. Echo-sclérose à la mousse – 2,60 IC95% [– 3,9; – 1,22] p<0,001. Il n'existait pas de différence significative entre les groupes de traitement pour les autres paramètres de qualité de vie.
Critères secondaires : Il n'existait pas de différence significative entre les groupes pour les autres critères de qualité de vie. La majorité des patients recommanderaient à un tiers le traitement reçu.
A 5 ans, 58% des patients ayant bénéficié du laser endoveineux, 47% de la sclérothérapie mousse et 54% de la chirurgie rapportaient l'absence de récidive variqueuse (OR laser versus sclérothérapie : 0,59 IC95% [0,41; 0,85]. Onze pour cent des patients du groupe laser endoveineux, 14% du groupe écho-sclérose à la mousse et 7% du groupe chirurgie recevaient un nouveau traitement.
Concernant l'évaluation coût-efficacité, le traitement laser endoveineux était le traitement ayant la meilleure balance coût-efficacité (28 433 euros par QALY gagnée). La comparaison entre sclérothérapie et chirurgie était en faveur de la chirurgie.
DISCUSSION
Dans ce large essai randomisé, la qualité de vie des patients à 5 ans était améliorée quel que soit le type d'intervention. Les scores de qualité de vie étaient similaires dans les groupes laser endoveineux et chirurgie. Il existait une différence de qualité de vie selon le score AVVQ en faveur des groupes chirurgie et laser endoveineux comparés au groupe écho-sclérose à la mousse.
Cette différence entre les groupes semble pouvoir être mise en relation avec une récidive variqueuse plus fréquente dans le groupe écho-sclérose à la mousse. Cependant, celle-ci était dans cette étude plus fréquente que celle décrite habituellement dans la littérature.
CONCLUSION
L'ensemble des traitements endoveineux permettent d'obtenir un gain net de qualité de vie. Il semble que parmi les groupes de patients étudiés, le traitement par laser endoveineux ait le meilleur rapport coût-efficacité.
Cost-effectiveness analysis of a randomized clinical trial of early versus deffered endovenous ablation of superficial venous reflux in patients with venous ulcération.
Epstein DM, Gohel MS, Heatley F, et al. Br J Surg. 2019 ;106(5) :555–562.
DOI : 10.1002/bjs.11082
https://bjssjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/bjs.11082
INTRODUCTION
Les ulcères veineux des membres inférieurs représentent un coût de santé publique majeur, estimé à 1061 millions d’euros par an. Les recommandations actuelles proposent de traiter l’insuffisance veineuse superficielle à l’aide de techniques endoveineuses, mais beaucoup de médecins retardent ces interventions jusqu’à la cicatrisation de l’ulcère.
La récente étude EVRA, analysée par Gilles Miserey dans la LMV n° 44, a montré que le traitement précoce de l’insuffisance veineuse réduisait significativement le temps de cicatrisation de l’ulcère. L’étude dont nous discutons aujourd’hui présente une analyse du coût et de l’amélioration de la qualité de vie dans le traitement précoce vs différé du l’insuffisance veineuse superficielle, basée sur les données de l’étude EVRA à 1 an.
METHODES
Pour rappel, l’étude EVRA comparait le bénéfice du traitement de l’insuffisance veineuse superficielle précoce vs différé sur le temps de cicatrisation des ulcères. Pour rappel :
- Groupe d'intervention précoce : compression veineuse et un traitement endoveineux précoce de l’insuffisance veineuse superficielle dans les 2 semaines suivant la randomisation
- Groupe d'intervention différée : compression veineuse seule, en envisageant un traitement endoveineux différée après la guérison de l’ulcère ou jusqu'à 6 mois après la randomisation si l'ulcère n'est pas guéri.
Les principales techniques de traitements endoveineux utilisées dans cet essai étaient : le laser endoveineux, la radiofréquence, l’écho-sclérose à la mousse. Le traitement pouvait être composé d’une association de plusieurs techniques. Tous les patients étaient également traités par une compression veineuse.
Le critère de jugement principal de cette nouvelle étude était le QALYs (quality adjusted life years) à 1 an.
Tous les participants de l’essai EVRA ont répondu à un questionnaire de qualité de vie EQ-5D-5L à l’inclusion, à 6 semaines, 6 mois et 1 an.
Figue 1 : L’échelle de qualité de vie à 5 niveaux : EQ-5D-5L
Mobilité |
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Autonomie de la personne |
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Activités courantes |
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Douleurs/gêne |
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Anxiété/Dépression |
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Le critère QALY était évalué pour chaque patient à 1 an et correspond à l’aire sous la courbe des différentes valeurs de EQ-5D-5L.
Concernant le coût des différentes ressources nécessaires à la prise en charge des patients, il était évalué chaque mois à l’aide d’appels téléphoniques et était calculé à partir des tarifs du système de santé britannique, sur les prix de l’année 2015-2016. Le coût total par patient incluait toutes les ressources nécessaires : le traitement endoveineux, les bandes de compressions, les différents pansements nécessaires à la cicatrisation, les visites chez le médecin, les visites et les soins infirmiers, les hospitalisations, les traitements médicamenteux, les séances de kinésithérapie.
Afin d’être précis, l’étude ne prenait en compte que les ressources utilisées spécifiquement dans la prise en charge de l’ulcère.
L’analyse du rapport coût-efficacité était réalisée à l’aide d’une méthode de régression permettant le calcul d’un ratio correspondant à la différentielle coût/efficacité (ICER).
RESULTATS
Le coût total moyen par patient par an était de 2834 euros pour les 208 patients du groupe traitement précoce, et de 2836 euros pour les 211 patients du groupe traitement différé. L’analyse complète a montré une légère différence dans le coût total par patient sur 1 an, mais non significative (p=0,607). Le coût moyen initial plus élevé de la stratégie d'intervention précoce a été en grande partie compensé par le coût réduit du traitement des ulcères de jambe par la suite.
On notait en revanche une différence significative de qualité de vie (QALYs) à 1 an avec une différence de 0,041 (p=0,017) en faveur du groupe traitement précoce.
Le ratio coût/efficacité (ICER) à 1 an était de 4482 euros/QALY.
CONCLUSION
Le traitement précoce de l’insuffisance veineuse superficielle (par rapport à un traitement différé) en cas d’ulcères est coût-efficace, avec un impact positif sur la qualité de vie. Ceci restant vrai si le patient est pris en charge rapidement par une équipe plaies et cicatrisations multidisciplinaire.